Os d’Ishango: Mieux Comprendre les Nombres Grâce à un Trésor Millénaire

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𓂀 Avant les mathématiques de l’école, il y avait l’Os d’Ishango 𓂀

𓁣 Quand les premières traces préhistoriques de mathématiques prennent forme 𓁣

Mais c’est quoi l’os d’Ishango?

Dans un article précédent, je vous ai parlé de l’os de Lebombo (cliquez ici vers l’article). Un petit fragment de péroné, découvert en Afrique australe, portant 29 encoches régulières.
Les chercheurs pensent qu’il aurait été utilisé pour suivre un cycle naturel, celui de la lune, ou un cycle menstruel.
Et certaines hypothèses suggèrent qu’il aurait été gravé par une femme, attentive aux rythmes de son corps.

Ce geste, simple et profondément humain, pourrait bien représenter l’un des tout premiers usages mathématiques de l’histoire.

Mais ce n’est pas la seule trace archéologique que nous ayons.

Un peu plus au nord du continent africain, au bord du lac Édouard, un autre os a été mis au jour dans les années 1950.
Plus petit, mais encore plus structuré.
Son nom : l’os d’Ishango.

𓁣 Ce que révèle l’os d’Ishango 𓁣

Là où Lebombo nous parle de rythme et de temps, Ishango nous parle de calculs, de structure, de relations entre les nombres.
Avec lui, on passe de l’observation des cycles à une véritable organisation mathématique.

C’est là, au bord du lac Edouard, entre ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ouganda et la République Démocratique du Congo.

C’est lors de fouilles archéologiques dans une couche de cendre volcanique vieille de 20 000 ans, qu’on découvre un petit objet : un os. Un os délicatement gravé, ornementé de marques. On l’appellera plus tard l’os Ishango.

Mais ce n’est pas juste un fossile mais c’est aussi un outil et un témoignage, comme un message chiffré venu de l’homme de la préhistoire.

l'os d'ishange origine géographique, entre RDC et Ouganda
C’est au milieu de restes osseux et vestiges archéologiques (outils en pierre, pointes de harpon, fragments d’os d’animaux) qui datent d’environ 20 000 ans que l’os d’Ishango a été découvert.

𓂀 L’os d’Ishango: un objet vieux de 22 000 ans qui intrigue encore 𓂀

L’os d’Ishango a été découvert en 1950 par le géologue belge Jean de Heinzelin, sur un site archéologique situé à la frontière entre la République Démocratique du Congo et l’Ouganda.

Cet os de 10 centimètres, probablement une fibula de babouin, datant d’environ de 20 000 ans avant notre ère. Il est aujourd’hui conservé à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, à Bruxelles.

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Mais ce n’est pas un os comme les autres.

Son intérêt vient des encoches gravées sur sa surface :

  • 168 entailles réparties en
  • trois colonnes verticales, organisées avec soin.

Et ces marques ne sont pas là par hasard.

Elles sont les vestiges d’une pensée logique, d’une intelligence qui cherche à comprendre le monde à travers le nombre.

𓂀 Trois colonnes pour raconter des mathématiques 𓂀

Lorsque les archéologues ont examiné ces encoches, ils ont rapidement compris qu’il ne s’agissait ni d’un outil utilitaire, ni d’un objet décoratif.

l'os d'ishango : la révélation mathématique de génie
À l’aide d’un simple silex, l’homme préhistorique a tracé ces gravures, reflet du génie intuitif de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs..

Les séquences chiffrées sont frappantes :

  • Dans la colonne de Gauche (G) : 11, 13, 17, 19 → ce sont les quatre premiers nombres premiers entre 10 et 20.

  • Dans la colonne du Milieu (M): 3, 6, 4, 8, 5, 10 → c’est la table de multiplication par 2 avec respectivement 3×2=6; 4×2=8; 5×2=10.
  • Dans la colonne de Droite (D) : 11, 21, 19, 9 → des numérations précises avec respectivement: 10+1,  20+1,  20-1,  10-1.

C’est pourquoi de nombreux chercheurs reconnaissent dans ces marques :

  • une forme de calcul structuré,

  • les prémisses d’un système en base 12 (un système pratique, car 12 se divise facilement par 2, 3, 4 et 6, et justement, ces chiffres apparaissent parmi les encoches de l’os),

  • et ce qui pourrait être l’une des toutes premières formes de table de multiplication connues.

D’autres, comme l’astronome Jean-Paul Mbelek, y décèlent un lien possible avec le cycle lunaire, comme pour l’os de Lebombo. Les marques auraient pu aider à prévoir les phases de la lune, ou à marquer des événements rituels, religieux ou pratiques.

Dans tous les cas, une chose est claire il y a 22 000 ans, quelqu’un a:

  • compté,
  • regroupé,
  • organisé.

Quelqu’un a commencé la grande histoire des mathématiques.

𓂀 Une activité à faire en famille : L’esprit de l’os d’Ishango  𓂀

Un des grands défis en mathématiques, c’est ça :

« Mon enfant sait compter… mais il ne comprend pas les nombres. »

Il aligne des chiffres. Il récite des suites.
Mais il a du mal à voir les liens entre les quantités : combien font deux groupes de trois ? Peut-on partager 9 équitablement ? Comment savoir si un nombre est plus grand, ou s’il peut se diviser ?

Et souvent, en tant que parent, on ne sait pas par où commencer.

Alors voilà une approche simple, inspirée de l’os d’Ishango, pour développer cette compréhension en douceur.

os d'ishango : une activité en famille
Aujourd’hui, l’homme moderne rejoue les débuts de l’humanité en famille, à partir des traces retrouvées dans les fouilles préhistoriques

𓁣 Étape 1 : Partir de ce que l’enfant aime 𓁣

Faire l’addition 5+3 ? En fait votre enfant n’y trouve foncièrement aucun intérêt. Vraiment aucun.

Mais si vous parler de ces objets favoris alors là tout prend sens. Alors …

Commencez par poser cette question toute simple :

“Quel est ton objet préféré ?”

Voitures, feutres, figurines, cartes Pokémon… Peu importe.

Puis, expliquez-lui :

“On ne va pas les utiliser directement, mais on va prendre des jetons ou des perles pour les représenter.”

Pourquoi ? Parce que vous n’avez pas forcément le bon nombre d’objets pour explorer les quantités, et surtout… parce que c’est le début de l’abstraction.

👉 Passer des voitures aux jetons, c’est déjà faire un pas du concret vers l’abstrait.
👉 Et plus tard, on passera des jetons aux chiffres.

C’est cette danse entre le réel et le symbolique qui fait toute la magie de l’apprentissage mathématique.

Exemple pour illustrer

Contexte : Léo a 3 petites voitures. Il adore jouer avec. Sa maman veut l’aider à “faire des maths” à partir de ce qu’il aime.

𓁣 Étape 2 : Jouer avec les quantités… et avec les idées 𓁣

Proposez à votre enfant de représenter ses objets préférés avec les jetons ou les perles.

Par exemple :
“Si une perle = une voiture, combien de perles faut-il pour faire une ligne de 4 voitures ?”

Ensuite, variez les actions :

  • Et si on en ajoute 2 ?
  • Et si on partage le tout en deux groupes égaux ?
  • Et si on enlève une perle, combien reste-t-il ?
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Laissez-le manipuler, essayer, se tromper, recommencer.

Petit à petit, il va :

  • composer et décomposer les quantités,
  • créer des groupes (base de la multiplication),
  • commencer à structurer ce qu’il fait.

Et sans qu’il s’en rende compte, il passe :

  • de ses voitures réelles,
  • aux jetons qui les représentent,
  • puis aux nombres qu’il associe à ses regroupements.

C’est ce passage-là qui est essentiel :
Faire le lien entre ce qu’il voit, ce qu’il manipule et ce qu’il pense.

Exemple pour illustrer

Ensuite, la maman de Léo annonce:
“On va représenter tes voitures avec des jetons. Tu me donnes 1 jeton pour chaque voiture.”

→ Léo place 3 jetons. Puis elle ajoute :
“Et si je t’en donne 3 de plus ? Tu en as combien maintenant ?”

→ Léo compte les jetons : 6.
“On peut les mettre en 2 groupes égaux ?” → Il fait 3 et 3.

On a donc travaillé :

  • l’addition (3 + 3),
  • le groupement (6 = 2 × 3),
  • le partage.

𓁣 Étape 3 : Créer son “bâton d’Ishango” 𓁣

Quand les regroupements sont faits, proposez-lui de garder une trace visuelle :
Sur une feuille ou un petit bâton, il dessine des traits, colle des gommettes, ou marque les quantités représentées.

Chaque marque devient une mémoire :

  • d’un groupe qu’il a créé,
  • d’une idée qu’il a comprise,
  • d’un lien qu’il a vu entre les nombres.

C’est son propre os d’Ishango.
Et il ne vient pas du passé, il vient de son intelligence en train de se construire.

Et quelque part, en faisant ça, votre enfant rejoint les premiers Sapiens (littéralement hommes sages), ces hommes de la préhistoire qui ont tracé, avec génie, les premiers élans de la pensée ou de l’art sur des ossements, des pierres ou les parois d’une grotte.

Exemple pour illustrer

Maintenant, Léo et sa maman prennent une feuille. Et pour garder une trace de ce qu’ils viennent de faire, Léo dessine :

  • 3 traits pour les voitures de départ,
  • puis 3 autres traits pour les jetons ajoutés,
  • et il regroupe les traits 2 par 2 (ou 3 par 3),
  • il entoure les groupes, ou colorie en 2 couleurs différentes.

→ Il voit le passage du 6 au 3×2 ou 2×3.

Résultat :

  • Il n’oublie pas ce qu’il a fait.
  • Il voit que 6 peut se casser en groupes égaux.
  • Il structure ce qu’il a vécu (au lieu de simplement le vivre et l’oublier).

𓁣 Pour les parents : ce que vous êtes en train de transmettre  𓁣

Ce que vous venez de faire avec votre enfant, ce n’est pas juste “jouer avec des perles”.

Vous l’avez aidé à poser un pied dans le monde de l’abstraction, ce monde où l’on peut représenter des objets par des jetons, puis par des marques, puis par des nombres.

Vous lui avez fait vivre ce que sont vraiment les mathématiques :

  • Créer des liens,
  • Voir des structures,
  • Manipuler des idées à partir du réel.

Et vous l’avez fait à son rythme, à partir de ce qu’il aime, sans pression, sans évaluation.

Vous avez ouvert un espace où il observe, transforme, représente, mémorise, compare.

Ce sont exactement ces gestes-là qui, plus tard, l’aideront à :

  • comprendre le sens des opérations,
  • résoudre des problèmes,
  • organiser sa pensée,
  • et développer une confiance en ses capacités logiques.

Parce que les bases ne se posent pas avec des fiches de calcul.
Elles se posent avec des objets qu’on touche, qu’on relie, qu’on comprend.

Et c’est justement ce que vous venez de faire ensemble.

𓂀 C’est à vous !  de l’objet à l’idée : un mini-défi sur 5 jours 𓂀

Voici un petit défi à proposer à votre enfant pendant une semaine d’école, ou pendant un moment calme à la maison. Il est conçu pour renforcer le lien entre manipulation, représentation et raisonnement.

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l'os d'ishango comment faire des maths autrement comme nos ancêtres géniaux
En jouant avec les quantités, votre enfant reproduit des gestes proches de ceux retrouvés sur les sites archéologiques, parmi les traces anciennes.

𓁣 Lobjectif 𓁣

Aider l’enfant à :

  • repérer des quantités dans son quotidien,
  • les transformer en représentations (perles, dessins, chiffres),
  • et les organiser pour donner du sens aux nombres.

𓁣 Déroulé sur 5 jours 𓁣

Jour 1 – Observer :

“Choisis ton objet préféré (voiture, feutre, peluche…) et regarde combien tu en vois aujourd’hui dans la maison.”

Notez ou représentez cette quantité avec des jetons.

Jour 2 – Ajouter/Retirer :

“Et si on en ajoutait 3 ? Et si on en retirait 2 ?”

Faites-le physiquement avec les jetons, puis écrivez-le avec des chiffres.

Jour 3 – Regrouper :

“Peux-tu les mettre en groupes ? De 2 ? De 3 ?”

Discutez : tous les jetons rentrent-ils dans les groupes ? Reste-t-il quelque chose ? C’est une première approche des divisions avec ou sans reste.

Jour 4 – Inventer une suite :

“Et si tu continuais la suite ? Tu commences avec 2, puis tu doubles, puis tu ajoutes 3…”

Laissez-le inventer ses règles. Puis représenter ses résultats avec des marques ou une ligne.

Jour 5 – Résumer avec un dessin ou une histoire :

“Raconte ton chemin de la semaine avec des marques, un dessin ou des chiffres.”

L’enfant crée sa propre trace mathématique, comme l’os d’Ishango. C’est la synthèse.

Cet exercice ne cherche pas la “bonne réponse”, il vise à former des habitudes mentales puissantes :

  • observer,
  • manipuler,
  • transformer,
  • représenter.

C’est ça, la vraie base des maths. Et ça commence avec un objet préféré, quelques jetons… et un peu d’attention partagée.

 

𓂀 Et si les maths commençaient par un objet préféré ? 𓂀

En apparence, vous avez joué avec des jetons.

Mais en réalité, vous avez aidé votre enfant à faire ce que faisait déjà l’auteur de l’os d’Ishango, notre ancêtre, il y a 20 000 ans :
représenter des quantités, les organiser, leur donner du sens.

os d'ishango tous ses bienfaits
L’os d’Ishango est un trésor du patrimoine archéologique qui révèle le génie mathématique de nos lointains ancêtres.

Cet os n’est pas une relique abstraite figée dans une vitrine, c’est une trace d’intelligence humaine en action, une mémoire vivante de nos ancêtres arrivée jusqu’à nous..
Car quelqu’un y a inscrit des groupes de nombres, par deux, par cinq, par dix …
Pas pour faire “des maths”, mais pour réfléchir, structurer et comprendre.

Et aujourd’hui, quand votre enfant transforme ses voitures en perles, puis en chiffres, puis en idées,
il reproduit ce même geste : celui de passer du monde visible au monde pensé.

Ce que vous venez de vivre ensemble, ce n’est pas une “activité pour s’occuper”.
C’est la base même de la pensée mathématique.
Et ça commence toujours par là : un objet familier, une question simple, et une envie de comprendre un peu mieux.

Et si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager à d’autres parents, enseignants ou curieux qui veulent, eux aussi, faire découvrir les maths autrement.

“Parce que  la science et la connaissance sont un trésor collectif, une lumière à partager.”

Hatôpè

Djéhouty 𓅞

𓁣 Sources et Références 𓁣

𓅃 Où voir l’os Ishango 𓅃

L’os d’Ishango est actuellement exposé au Muséum des Sciences naturelles de Belgique, situé à Bruxelles .

𓅃 Pour aller plus loin : 𓅃

Institut royal des sciences naturelles de Belgique, Bruxelles

Revue Ankh 12/13

Initiation aux mathématiques africaines pour les enfants de 5 à 15 ans – N K Omotundé, 20215. ANYJART

16 Comments

  1. Passionnant ! Merci pour ce voyage dans le temps Line 😉 J’adore cette approche presque artistique de l’apprentissage 😉 Elle rejoint aussi la logique des arts thérapies du monde, partir de ce que l’enfant aime, pour éveiller sa pensée. Une belle inspiration pour apprendre autrement. 😀

    • Ravie que cet article t’inspire ! Les maths sont partout, même dans l’art

  2. Super article détaillé ! Ça me donne envie de transposer cet idée de l’os d’Ishango en objet artistique…

    • J’ai hâte de voir tes nouvelles créations !
      Merci Sylvie pour tes retours

  3. Grande néo-débutante, j’ai adoré cette initiation aux mathématiques en tant que “danse entre le réel et le symbolique”. Ton article me fait réaliser que l’apprentissage des maths pour moi a commencé directement par l’abstraction, dans la douleur, sans passer par l’étape d’appropriation réalisée par nos lointains ancêtres.

  4. C’est vraiment passionnant cette nouvelle histoire. Je ne connaissais absolument pas cet os mais j’aime toujours autant la façon que tu as de mêler apprentissage et histoire, tout en gardant un côté ludique pour faciliter l’initiation aux mathématiques. Merci Dorvale !

    • Merci Laura pour tes retours ! les maths nous entourent alors autant en profiter 🙂

  5. wah ! passionnant de relier l’histoire à notre quotidien. Je vais meme tester des ce jour avec ma fille.

    • Merci Aurélie pour ce retours! J’ai hâte d’avoir des nouvelles de ta fille

  6. Lorsque j’étais maîtresse de maternelle, nous avions mis en place de nombreux systèmes de manipulation qui permettaient une approche concrète, pratique et ludique des mathématiques. Cela a été l’occasion de s’apercevoir que les enfants même les plus jeunes, ont déjà une capacité d’abstraction qui ne demande qu’à s’exprimer. Merci de nous fournir des supports pour cela !

    • De la part d’une enseignante, je suis touchée. Merci beaucoup pour ce partage d’expérience

  7. Merci pour cet article qui me renvoie dans mon passé (pas 22000 ans mais à peine moins !) et me rappelle l’époque où nous comptions avec des bûchettes et des petits cubes. J’adorais ça !

    • En effet, la manipulation et le jeu sont des outils universels pour apprendre avec joie. merci Denis pour ce partage d’expérience

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