
𓂀 Pourquoi je raconte ça aujourd’hui 𓂀
Je me revois à 19 ans, en deuxième année à la fac de sciences de Jussieu.
Ce n’était plus nouveau pour moi. Je connaissais les lieux, les couloirs, les amphis.
Et pourtant… ça m’impressionnait toujours.
Le monde, le bruit, le rythme.
Il fallait suivre. Trouver sa place.
Et moi, au milieu de tout ça, j’étais bien décidée à être sérieuse.
Pour mes parents, c’était une vraie fierté.
Eux aussi avaient été étudiants, à Toulouse, quand ils sont arrivés du Cameroun.
Il y avait cette photo qu’ils aimaient ressortir : mon père en amphi, en train de prendre des notes,
et moi toute petite, deux ans à peine, assise à côté de lui.
Je ne m’en souvenais pas, évidemment.
Mais cette image faisait partie de moi.
J’avais grandi avec l’idée que les études, ça compte. Et que continuer ce chemin-là, c’était important.
Alors, j’avais choisi le mien : les maths appliquées car j’aimais les maths, la physique, la mécanique.
Je comprenais ce que les profs expliquaient en amphi.
J’avais l’impression que tout allait bien. Que j’étais sur les rails.
Et pourtant, à la fin de l’année… j’ai redoublé.
Pas parce que je n’étais pas faite pour ça.
Pas parce que c’était trop dur.
Mais à cause de deux erreurs que je n’ai pas vues venir.
Deux erreurs que je retrouve aujourd’hui chez beaucoup d’élèves.
Si je raconte ça, ce n’est pas pour remuer le passé.
C’est parce que comprendre ses erreurs, c’est déjà commencer à avancer.
𓂀 Ce qui s’est vraiment passé 𓂀
𓁣 Erreur 1: la plus logique… et pourtant la plus fatale 𓁣
Je me souviens d’un cours de maths, premier semestre.
Le prof d’Analyse avançait vite, mais je suivais. Je comprenais les démonstrations des suites et séries numériques.
Je prenais mes notes que je relisais le soir.
Et je me disais : “C’est bon, j’ai compris.”
Alors je faisais quelques d’exercices et je vérifiais juste deux ou trois cas pour me rassurer.
Et si ça avait l’air de marcher, je passais à autre chose.
Alors, le jour du premier vrai contrôle… j’y suis allée confiante.
J’avais relu mes notes, je pensais avoir tout bien compris.
Je me sentais prête. Pas sereine à 100%, mais sérieuse.
Je me disais : “Ça va le faire.”
Et là… la claque. Une vraie.
Les premières questions m’ont déstabilisée.
Les suivantes… j’ai fait comme je pouvais.
Mais plus j’avançais, plus je sentais que je n’y arrivais pas.
Je me suis sentie nulle. Vraiment nulle.
Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.
J’étais persuadée d’avoir bien travaillé, d’avoir suivi les cours sérieusement.
Et pourtant …
Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qui n’allait pas.
En fait, ce n’était pas que je ne travaillais pas.
Je faisais ce qu’on attend d’une élève sérieuse : je relisais, je révisais.
Mais il manquait quelque chose.
C’est que je ne m’entraînais pas vraiment.
Et c’est là que j’ai compris :
comprendre dans sa tête ce n’est pas suffisant, il faut que ça descende jusqu’aux mains.
Ainsi le jour de l’examen, j’ai réalisé que ce que je croyais avoir bien compris en relisant…
je n’arrivais pas à l’appliquer une fois seule dans ma copie.
𓁣 Erreur 2: celle qui se cache derrière un “ça va aller” 𓁣
Mais ce n’est pas la seule erreur que j’ai faite cette année-là.
Dès le premier semestre, mes résultats étaient moyens.
Pas catastrophiques, mais clairement pas solides.
Et au deuxième semestre, ça s’est encore aggravé.
Les contrôles s’enchaînaient, les incompréhensions s’accumulaient… et j’avais de plus en plus de mal à faire semblant que tout allait bien.
C’est après ces résultats-là qu’une session spéciale a été proposée, juste avant l’été.
Une sorte de remise à plat, organisée par certains enseignants, avec quelques étudiants volontaires.
L’objectif : reprendre les bases, poser ses questions, repartir sur des fondations plus claires avant les rattrapages de Septembre.
Je me souviens très bien de ce moment.
On m’a dit : “Tu peux venir, ça peut t’aider.”
Et moi… j’ai esquivé.
J’ai répondu un truc du genre : “Oui ok… je verrai.”
La vérité, c’est que je ne pouvais pas. Pas dans ma tête.
C’est vrai, je n’ai pas dit non franchement.
Mais je n’y suis pas allée.
Et ce que je n’ai pas dit ce jour-là, c’est :
“J’ai peur de montrer que je ne sais pas. J’ai peur qu’on voie à quel point je n’y comprends rien, preuve je dois être nulle en maths.”
Alors j’ai décidé de réviser toute seule pendant l’été.
Mais réviser seule quand on n’a pas compris, c’est un peu comme répéter une chorégraphie avec les mauvais pas.
Tu les enchaînes encore et encore, tu crois t’améliorer…
mais en fait, tu t’installes dans l’erreur.
Et ce qui est fou, c’est que je n’ai demandé d’aide à personne.
Ni aux enseignants.
Ni aux autres élèves.
J’avais trop d’ego.
Trop peur de paraître nulle.
Trop envie qu’on croie que je maîtrisais, alors que j’étais en train de m’enfoncer.
C’est ça ma deuxième erreur, je suis restée seule alors qu’on m’avait tendu la main, au moment où j’en avais le plus besoin.
𓂀 Ce que j’aurais dû faire (et que je fais aujourd’hui) 𓂀
Avec du recul, je vois deux choses très simples qui auraient tout changé.
𓁣 Pratiquer, pratiquer, pratiquer. 𓁣
J’ai compris que comprendre un cours ne suffit pas si on ne s’entraîne pas.
Ça paraît évident quand on parle de foot ou de danse.
Vous connaissez ma passion pour la danse: pour maîtriser une chorégraphie, il faut la répéter plusieurs fois, encore et encore,
jusqu’à ce qu’on puisse vraiment l’offrir en spectacle.
Quelques petites répétitions “dans la tête” ne suffisent pas :
il faut s’entraîner pour que ça devienne fluide, naturel… pour que ça devienne dansé.
Eh bien, c’est pareil avec les maths.
Les exercices, c’est notre salle de répétition.
Et les examens, c’est le jour du spectacle.
Si on ne s’est pas entraîné physiquement, en posant les opérations, en testant, en se trompant, le jour de l’examen, on est figé, on perd le rythme.
Parce qu’on ne peut pas improviser un geste qu’on n’a jamais pratiqué.
𓁣 Demander de l’aide dès que je bloquais. 𓁣
Aujourd’hui, je sais que personne ne prépare un spectacle seule, dans son coin.
En danse, quand un pas bloque, on ne reste pas figée à répéter sans fin.
On va voir le prof, on observe ses copines de répétition, on demande, on ajuste.
C’est comme ça qu’on progresse.
Avec les maths, c’est exactement pareil.
Les exercices sont nos répétitions.
Les examens sont notre jour de spectacle.
Et quand quelque chose coince, le prof de maths est là pour guider,
les camarades de classe peuvent partager une autre façon de voir.
S’obstiner seule, ce n’est pas une preuve de courage.
C’est juste se fermer à ce qui peut nous faire avancer.
Depuis cette année-là, j’ai changé. Pas d’un coup. Pas sans résistance.
Mais j’ai commencé à … lever la main plus tôt.
Et chaque fois que j’hésitais un peu trop… je repensais à cette année-là.
À ce redoublement que j’aurais pu éviter, et ça me poussait à poser ma question.
Même si j’avais peur. Même si je n’étais pas sûre.
Et ça suffisait à me rappeler que demander, ce n’est pas faiblir c’est avancer.
𓂀 Ce que vous pouvez essayer dès maintenant 𓂀
Si vous êtes étudiant, ou si votre enfant est en difficulté,
voici deux actions simples à tester cette semaine :
𓁣 1. Prendre un exercice qui challenge par jour 𓁣
Même 10 minutes. Même en se trompant.
Pas pour réussir, pour apprendre en faisant.
Le refaire jusqu’à ce que ça devienne fluide.
Et une fois que c’est maîtrisé : en choisir un autre, du même type… un peu plus difficile.
C’est comme ça qu’on avance : pas à pas, mais toujours un cran plus loin.
𓁣 2. Oser poser une question 𓁣
À un prof, à un camarade, à un parent.
Pas attendre de “ne plus rien comprendre du tout” pour oser demander.
Oui, lever la main en classe peut faire peur. On craint de paraître nul, de déranger.
Mais poser une question au bon moment, c’est souvent gagner un temps fou en clarté.
Et surtout : ça évite de rester bloqué seul, longtemps, pour une chose qu’on aurait pu débloquer en une phrase.
Deux gestes simples, mais qui, avec le temps, changent tout.
𓂀 En résumé 𓂀
Redoubler à Jussieu, ça m’a marquée.
Mais ça n’a pas été la fin du monde.
Ça a été un rappel.
Un rappel que l’apprentissage ne se fait pas dans la tête seulement: il se construit en faisant, en se trompant, en posant des questions.
Et j’ai réalisé à quel point on avance mieux et plus vite quand on ose dire “j’ai besoin d’aide”!
Alors si vous vous reconnaissez dans cette histoire, ou si vous pensez à votre enfant en la lisant, faîtes donc ces deux choses simples dès cette semaine :
• Choisir un exercice un peu difficile, et le faire jusqu’au bout, même si ce n’est pas parfait.
• Oser poser une question. À un prof, à un camarade, à un parent. Pas attendre de “ne plus rien comprendre”.
Deux gestes simples.
Mais mis bout à bout, ce sont eux qui changent tout.
“Comprendre, c’est bien. S’entraîner, c’est mieux. Demander, c’est grandir.”
Hatôpè
Djéhouty 𓅞
𓁣 Sources 𓁣
https://oresquebec.ca/articles-de-veille/comment-apprendre-a-apprendre/
Merci pour ce partage! C’est vrai qu’on peut facilement confondre compréhension théorique et maîtrise pratique… On rencontre exactement le même écueil dans le domaine artistique : voir faire, comprendre le principe, puis penser qu’on saura le faire. Mais tant qu’on n’est pas passé·e par la pratique – souvent répétée – rien ne s’ancre vraiment. Ton expérience souligne à quel point l’entraînement régulier est essentiel, que ce soit en maths ou en art.
Merci Sylvie pour tes retours. Tu le soulignes très bien: sS’entrainer pour maîtriser est bie le lot dans toutes les disciplines dans lesquelles on souhaite progresser
Merci pour cet article que j’aurais tellement aimé lire plus tôt… il y a 3 décennies ! Le système éducatif autorise les élèves littéraires à décrocher complètement dans les matières scientifiques, mais j’aurais adoré prendre les maths comme un jeu, 10 minutes par jour, ne pas lâcher avant d’avoir compris, pratiqué, assimilé, et demandé de l’aide au besoin !
Merci Eva Lee! Je sui ravie de tes retours qui montrent à quel point 2 petits changements dans notre attitude avec les maths peuvent tout changer dans la motivation des enfants d’approcher cette discipline.
Je devrais faire lire ton article à ma fille 😉 qui est tellement sûre d’avoir tout compris et qui ne veut pas accepter l’aide qu’on lui propose… Merci Dorvale pour ce partage d’expérience qui nous permet de mieux comprendre là où le bas blesse pour mieux rebondir.
Merci Laura pour tes retours toujours constructifs. J’espère que ta fille aura lu cet article car il va lui éviter de tomber dans le piège, même de bons élèves.
Merci pour ton article. J’ai trouvé cette façon de raconter ton parcours à Jussieu, avec ses hauts et ses bas, extrêmement inspirante et sincère. Le passage sur l’importance de pratiquer pour vraiment intégrer les connaissances est tellement vrai. C’est un point qui résonne particulièrement, car je pense qu’on sous-estime souvent cette partie-là : comprendre dans sa tête ne suffit pas, il faut que ça devienne un automatisme.
Je trouve également très juste le fait de ne pas rester seul(e) face à ses difficultés. Demander de l’aide peut parfois sembler une faiblesse, mais c’est au contraire une preuve de courage.
Je me demandais, avec le recul, est-ce que tu penses que le système éducatif encourage suffisamment les étudiants à poser des questions et à demander de l’aide ?
Merci anne pour ton partage. Je pense en effet que système éducatif se focalise tellement sur le critère d’excellence (dont le prrincipal filtre sont les mathématiques) qu’il oblige les élèves à ne pas trop montrer qu’on est largué, de peur de paraitre moins intelligent que d’autres.
Alors qu’on réalise souvent que la question qu’on a osé poser en classe, beaucoup d’autres se la posaient … sans osé lever la main, àa cause sans doute de cette même peu. Oser lever la main ne demande que 2 secondes de courage alors let’s do it !