
𓂀 Avant l’Écriture, Avant les Chiffres… Il y Avait l’Os de Lebombo 𓂀
Il y a 37 000 ans, une main humaine a gravé 29 encoches sur un os.
Et alors ?
Pourquoi c’est important ?
Qu’est-ce que ça change pour nous, aujourd’hui ?
Après tout ce n’est qu’un os, non ? Une relique. Une curiosité coincée dans une vitrine de musée d’archéologie.
Et pourtant…
Ce fragment d’os, découvert en 1970 entre l’Afrique du Sud et l’Eswatini, est aujourd’hui connu sous le nom d’os de Lebombo.
C’est l’un des plus anciens objets mathématiques de l’histoire.

29 marques régulières gravées avec soin.
Peut-être pour suivre les phases de la lune.
Peut-être pour suivre un cycle menstruel.
Certaines hypothèses suggèrent que cette main était celle d’une femme.
Quelqu’un qui observait son corps, notait un rythme, essayait de comprendre ce qui revenait.
Ce geste, à la fois pratique et intime, nous rappelle que les mathématiques ne sont pas nées dans les livres.
Elles sont d’abord un outil pour vivre, se repérer, donner du sens au temps qui passe.
𓂀 L’os de Lebombo : Une femme, Un cycle, et La naissance des maths 𓂀
𓁣 Le plus ancient outil mathématique ” 𓁣
Qu’est-ce qu’il a de si spécial, cet os ?
C’est un petit fragment de péroné de babouin (os long et fin situé dans la jambe à côté du tibia), trouvé dans les montagnes du Lebombo, à la frontière entre l’Afrique du Sud et l’Eswatini.
Ce petit bout d’os a donc … 37 000 ans !
Sur sa surface : 29 encoches taillées régulièrement, une par une.
Pas au hasard. Pas de façon décorative.
Mais avec un rythme. Une intention.

Le mathématicien Richard Mankiewicz parle de l’os Lebombo comme du “plus ancien témoignage de calcul numérique”.
Et dans son ouvrage L’histoire des mathématiques, il ajoute:
“C’est la première trace visible de l’émergence de calculs mathématiques dans l’histoire de l’humanité .”
Selon The Internet Encyclopedia of Science, il pourrait même avoir été taillé par une femme, pour suivre ses propres cycles.
Car les chercheurs pensent que ces marques ont servi à compter.
Les jours entre deux phases de lune.
Les jours d’un cycle menstruel.
Ce n’est pas une certitude.
Mais c’est une hypothèse cohérente. Et puissante.
D’ailleurs le Pr Abdul Karim Bangura affirme que cet os ressemble aux bâtons-calendriers encore utilisés aujourd’hui par les San de Namibie, comme si un fil invisible reliait ces gestes millénaires aux traditions vivantes.
Parce que, alors la toute première trace de mathématiques humaines ne vient pas d’un besoin abstrait.
Elle vient d’un corps vivant, d’un besoin quotidien, d’une relation au temps.
𓁣 Une révélation qui me vient des étoiles 𓁣
Petite, j’aimais les chiffres.
Je trouvais ça amusant, presque comme un jeu (cliquez ici vers l’article).
Mais pour moi, les maths, c’était des calculs, des signes sur un tableau, des bonnes réponses à trouver.
Je n’aurais jamais imaginé qu’un jour… je serais aussi touchée par un petit bout d’os.
C’est arrivé en découvrant l’os de Lebombo.
Je suis tombée sur cette histoire presque par hasard. Et j’ai été émue.
Ce n’était pourtant pas spectaculaire.
Mais quelque chose dans ce geste — ces 29 encoches, patiemment gravées — m’a profondément parlé.
Un geste humain, simple, clair.
Un besoin de suivre le temps qui passe. De comprendre ce qui revient.
Et tout à coup, les maths prenaient un autre visage.
Pas celui des équations.
Celui de l’attention d’une femme. De son expérience vécue. Du lien entre son corps et le monde.
Depuis, c’est ce que j’essaie aussi de transmettre.
Pas pour forcer l’amour des maths aux enfants, mais pour les faire découvrir autrement :
à leur rythme, à partir de ce qu’ils vivent.
𓂀 Sur les traces de l’os de Lebombo 𓂀
𓁣 Un petit geste quotidien pour structurer le temps et nourrir l’attention 𓁣
Alors je me suis demandée : Comment transmettre ça à un enfant ?
Ce lien entre le temps, le corps, le rythme.
Cette idée que compter peut commencer par observer ce qui revient.
Et j’ai imaginé un petit geste, très simple, à faire chaque jour.
Un geste pour marquer le temps, comme l’avait peut-être fait celle qui grava les encoches dans l’os.
𓁣 Marquer le jour 𓁣
Pendant 29 jours, prenez un petit moment avec votre enfant pour noter que le jour est passé.
Cela peut être tout simple :
– Avancer une perle sur une ficelle
– Colorier un rond sur une feuille
– Déplacer un caillou d’un petit tas à l’autre
Ce qui compte, ce n’est pas le matériel, c’est le geste.
Chaque jour, vous déplacez un repère, et vous dites simplement :
“Aujourd’hui, c’est le [X]e jour.”
Ce petit rituel aide l’enfant à :
– Se repérer dans le temps
– Sentir qu’un rythme existe
– Commencer à structurer ce qu’il vit
C’est une façon concrète, tranquille, de faire entrer les mathématiques dans la vie quotidienne.
𓂀 C’est à vous ! 29 jours pour faire vivre l’esprit de Lebombo en famille 𓂀
L’os de Lebombo porte 29 encoches.
Pas faites d’un seul coup, mais sûrement jour après jour.
Avec attention. Avec patience.
Et si vous faisiez la même chose avec votre enfant ?
Pas pour apprendre les maths comme à l’école.
Mais pour l’aider à sentir le temps qui passe.
À observer ce qui revient.
À remarquer les petits rythmes du quotidien.
Car tout ça, c’est bien des mathématiques.
𓁣 Le principe : 𓁣
Créer un petit rituel, chaque jour pendant 29 jours.
Un moment court, régulier, pour marquer le temps ensemble.
𓁣 Comment faire concrètement : 𓁣
1. Choisissez ensemble un moment fixe dans la journée : après le petit-déjeuner, au retour de l’école, au moment du coucher…
2. Préparez un support :
-
- une fiche avec 29 cases (à colorier chaque jour)
- ou une ficelle avec 29 perles à toucher, une par une
- ou un carnet des 29 jours, avec une page par jour
3. Chaque jour, posez une petite question mathémagique (et notez ou dessinez la réponse) :
Et posez une question ouverte comme :
“As-tu vu quelque chose qui se répétait aujourd’hui ?”
“As-tu compté quelque chose ? (des marches, des pas, des objets…)”
“Y a-t-il quelque chose que tu as vu plusieurs fois ? (une couleur, un son, un geste…)”
“As-tu remarqué un moment où on a fait la même chose qu’hier ?”
4. Célébrez chaque jour accompli :
-
- Colorez une case
- Touchez une perle
- Faites un petit geste ou son ensemble
- Ou dites simplement :
“Aujourd’hui, nous avons vu un bout du monde se répéter.”
𓁣 À la fin des 29 jours… 𓁣
-
- Ouvrez ensemble le carnet ou déroulez le fil.
- Observez :
“Est-ce qu’il y a un rythme ? Un retour ? Une chose qui s’est répétée souvent ?”
-
- Et demandez à votre enfant :
“Veux-tu refaire un nouveau cycle, avec tes propres questions ?”
𓁣 Ce que ça apporte à votre enfant : 𓁣
- Structurer le temps : comprendre la suite des jours, comme savoir qu’aujourd’hui vient après hier et avant demain.
- Repérer les petits rythmes : remarquer, par exemple, qu’on prend toujours le goûter après l’école, ou que certaines choses reviennent chaque jour (une cloche, une chanson, un geste).
- Faire des liens dans sa mémoire : se souvenir qu’il a vu un arc-en-ciel mardi et un autre samedi, et faire le lien tout seul. C’est le début d’une mémoire organisée.
- Compter avec plaisir : manipuler les nombres dans un moment calme, sans pression scolaire, juste pour le plaisir d’avancer ensemble.
Et tout ça, c’est des maths ! C’est simple, mais ça pose des bases solides.
Et surtout, ça ouvre une autre porte vers les maths : plus douce, plus vivante, plus proche de l’enfant.
𓂀 Et si tout commençait là ? 𓂀
Découvrir l’os de Lebombo a changé ma façon de voir les mathématiques.
J’ai compris qu’elles ne venaient pas d’un tableau ou d’une formule.
Elles viennent de beaucoup plus loin.
D’une femme, 35 000 ans avant notre ère, qui cherchait à marquer le temps,
à suivre le cycle de la vie — le cycle qui rend possible la naissance d’un enfant.
Elle aurait gravé 29 encoches dans un os.
Un calendrier lunaire, gravé nuit après nuit, intime et silencieux.
Pas pour faire des maths, mais pour ne pas oublier.
Pour garder la trace de ce qui compte.
Pour accompagner le rythme du vivant.
Les mathématiques sont nées d’un besoin humain, simple, profond :
comprendre le temps, se repérer, reconnaître un rythme.
Et même dans le geste de compter — 1, 2, 3 —
il y a déjà une manière de comprendre le monde.
Si “2” est aujourd’hui, alors “1” devient hier, et “3”, c’est demain.
Compter, c’est déjà penser le temps. Et c’est immense.
C’est ce que j’ai envie de vous transmettre, à vous, parent.
Les mathématiques ne sont pas à l’extérieur de nous.
Elles sont en nous, depuis toujours.
Nous les avons inventées pour vivre mieux.
Alors, il n’y a aucune raison d’en avoir peur.
“Parce que la science et la connaissance sont un trésor collectif, une lumière à partager.”
Hatôpè
Djéhouty 𓅞
𓁣 Sources et Références 𓁣
𓅃 Où voir l’os de Lebombo ? 𓅃
Découvert en 1970 dans la grotte de Border Cave, à la frontière entre l’Afrique du Sud et l’Eswatini, l’os de Lebombo est aujourd’hui conservé en Afrique du Sud. L’institution exacte n’a pas été précisée dans les publications scientifiques accessibles à ce jour
𓅃 Pour aller plus loin : 𓅃
https://www.math.buffalo.edu/mad/Ancient-Africa/
African Mathematics, from bones to computers. Pr Abdul Karim Bangura, UPA, 2011
L’histoire des mathématiques. Richard Mankiewicz, Seuil, 2001
J’aime le parallèle que tu proposes entre l’exercice pour nos enfants et l’os de Lebombo. Je ne connaissais pas son histoire pourtant très intéressante. Merci pour ce partage.
En effet, c’est une histoire à partager tellement elle est extraordinaire et peut vraiment inspirer nos enfants. merci Laura pour ton partage
L’idée que les mathématiques soient nées d’un besoin aussi organique nous réconcilie avec une discipline réputée froide. Merci pour cet article passionnant, pour les petits mais aussi pour les grands !
Tout à fait, merci Eva!
Magnifique article, original et captivant ! Je suis tout à fait convaincue que placer le réel et le corps au centre des apprentissages est essentiel. J’aime beaucoup cette idée de consigner chaque jour un détail mathématique du quotidien — ça ouvre les yeux sur les formes, les rythmes, les équilibres qui façonnent notre monde. Cela me rappelle également comment on a découpé l’année avec les saisons, notamment chez les japonais qui comptent jusqu’à 72 mini-saisons (chacune de 4 ou 5 jours!!). Une façon de constater à quel point notre observation de la nature peut être subtile et délicate…
Les Japonais découpaient l’année en 72 mini-saisons? c’est incroyable en effet. J’adore quand les maths nous rappellent qu’elles sont dans nos vie.
Merci Sylvie pour tes retours toujours constructifs !
Merci beaucoup pour cet article très intéressant. J’ignorais complètement l’existence de ces faits historiques.
Ravie que ce partage t’inspire Détélina, merci pour ton retour d’expérience
Super ton article. Je ne connaissais pas cette histoire de l’os Lebombo, c’est très pertinent. Merci pour les idées d’exercices à faire avec les enfants. Apprendre en jouant c’est un bon stimuli pour retenir des choses.
Une histoire qui mérite d’être partagée. Merci Fabienne pour ces retours !
Franchement, j’ai adoré cette plongée dans le passé… et cette mise en lumière d’une “mathe-magicienne” méconnue. Tu réussis toujours à rendre les maths captivantes, accessibles et pleines de sens. Et le petit rituel que tu proposes pour les enfants est juste génial ! Quelle belle manière de semer des graines de curiosité et de confiance autour des maths dès le plus jeune âge. Merci pour cette pépite historique, féminine et puissante comme on les aime
Merci beaucoup Anne pour tes retours. Tes déesses digitales m’inspirent beaucoup aussi 🙂