Les résultats de recherches les plus récentes en neurosciences montrent que jouer librement favorise le développement cognitif et social des enfants. C’est un constat très encourageant pour nos “chères têtes blondes”. Mais au fait, qu’est-ce que le jeu ? le jeu libre ? le développement cognitif ? Trois questions auxquelles nous allons répondre pour comprendre pourquoi le jeu et maths “font bon ménage”.
Au fait, c’est quoi le Jeu ?
La définition sociologique – Roger Caillois
Les 6 composantes du jeu
Dans son livre « les jeux et les hommes », le sociologue Roger Caillois définit le jeu en 6 composantes :
- Il doit être libre – tous les joueurs participent sans contrainte
- Improductif – à l’issue du jeu, il n’y a pas de production de bien à l’issue du jeu et les joueurs se retrouvent dans une situation identique.
- Avec des règles à respecter
- Fictif – on reproduit une réalité existante ou qui pourrait exister (par exemple “jouer aux gendarmes et aux voleurs”)
- Un moment à part, délimité dans le temps et l’espace – des limites temporelles et spatiales précises sont fixées à l’avance.
Les 4 catégories de jeu
Ainsi, Roger Caillois classe les jeux ont 4 catégories :
- Les jeux de compétition ou agôn – jeux d’adversaires qui s’affrontent dans un système égalitaire (égalité des chances – football, jeu de billes, jeu d’échecs)
- Les jeux de hasard ou alea – jeux dans lesquels le joueur est passif et s’en remet au hasard (roulette, loterie).
- Les jeux de simulacre ou mimicry – jeux de fiction dans lesquels le joueur endosse la personnalité d’un autre (jouer au pirate, aux gendarmes et aux voleurs).
- Les jeux de vertige ou ilinx – les jeux à sensation à unique objectif de divertir (on simule une chute, on joue à se faire peur).
Ainsi, les quatre valeurs pédagogiques du jeu émergant des travaux de Roger Caillois sont : la liberté, la gratuité, l’incertitude et la fiction. En effet, les jeux de simulation ( par exemple, ceux qui permettent de comprendre l’investissement comme le Monopolyl – Réseau Ludus : jouer en classe) et les jeux d’émulation (mots croisés à thème de revues spécialisées ou “Questions pour un Champion!”) apportent “une valeur explicative du fonctionnement du réel”.
Toutefois, Caillois fait une différence entre le jeu libre et le jeu pédagogique.
D’abord, le jeu libre. Ce sont des activités ludiques initiées par les enfants, non structurées, non programmées, indépendantes et non éclairées par l’adulte. Il permet de:
- développer la créativité, la réflexion,
- dynamiser le besoin d’apprendre,
- et développer l’esprit d’analyse (logique, déduction, concentration).
Ensuite, le jeu pédagogique qui offre les possibilités:
- d’apprendre des connaissances précises,
- d’entrainer des compétences disciplinaires,
- et de développer l’esprit d’analyse (logique, déduction, concentration).
La définition psychologique – Jean Piaget
Le psychologue Jean Piaget identifie le jeu comme une activité cruciale pour « la construction de la pensée logique et le processus de socialisation ».
Il a donc identifié 4 périodes pour les développements cognitifs de l’enfant à partir du jeu :
- La période sensorimotrice (0-2 ans) – C’est le plaisir de répéter, de réussir pour apprendre avec un objet présent.
- La période de la pensée symbolique (2-7 ans) – la réalité se représente par des concepts abstraits i.e. des mots, des nombres et des gestes. L’objet étant connu et reconnu, il peut désormais l’imaginer et “faire semblant”.
- La période des opérations concrètes (7-11 ans) – On accède à la notion de temps, d’espace et de vitesse; on classe par critères.
- La période des opérations formelles (à partir de 11 ans) – On accède à la pensée formelle c’est-à-dire hypothético déductive dans laquelle le concret fait place à l’abstraction. On aborde les jeux de règles qui vont déboucher vers la socialisation.
On le voit bien dans ces définitions du jeu que le développement cognitif de l’enfant y est intrinsèquement lié.
Et le développement cognitif ?
C’est un domaine qui étudie comment les connaissances humaines se développent, comment les êtres humains perçoivent, apprennent, mémorisent Et comment cela affecte leur comportement.
Si certaines vertus du jeu semble assez évidentes pour développer certaines qualités et d’autres plus inattendues participent au développement cognitif de l’enfant. Voici donc 5 bénéfices que nous avons identifiés qui peuvent améliorer les capacités d’apprentissage en mathématiques.
Jeu et Maths : Les 5 coups gagnants
L’attention
Vous le savez, les enfants sont plus attentifs dans leurs devoirs à la maison et en classe si auparavant ils ont pu jouer librement, c’est à dire sans instruction des adultes. 20 min maximum suffisent.
Attention, si le sport et le jeu libre sont tous deux des activités physiques ou cérébrales, ils sont différents dans ce qu’ils apportent comme bénéfices. La codification du sport ne permet pas un réel relâchement psychologique qui apporte une profonde créativité.
De plus, les enfants sont-ils seulement étourdis quand ils manquent des hypothèses cruciales pour résoudre des problèmes de mathématiques ? C’est le reproche que font nombre de professeurs à leurs élèves. Cependant, à cette question, le pédagogue Antoine de la Garanderie répond que c’est bien un problème d’attention. Dailleurs, des 5 gestes mentaux qu’il a identifiés ( attention – compréhension – réflexion – mémorisation -imagination créative), l’attention est la porte d’entrée vers l’apprentissage.
Effectivement, c’est le moment où on se prépare à “attraper” l’objet perçu avec nos 5 sens dans notre mental, dans le but de le restituer. Antoine de la garanderie nomme ce laps de temps l’évocation mentale. On voit donc combien le jeu et l’implication de l’enfant dans le jeu agit comme un carburateur de son moteur attention.
La maîtrise de soi
Les jeux de cartes, ou les jeux de société offrent à l’enfant des possibilités de se mesurer à d’autres sous la forme de duels. Ainsi, Ils apprennent à écouter leurs émotions, freiner leurs impulsions et surtout à les maîtriser. Dans son livre “Faîtes-les réussir en maths”, Armelle Géninet remarque que les élèves ont une tendance à “faire des opérations”, à sauter instantanément dans la mécanique des calculs, sans même avoir pris le temps de comprendre l’énoncé et d’y avoir extrait les hypothèses utiles à la résolution du problème. Elle encourage à la compréhension des hypothèses et des données d’un problème et à la prise de ce temps en toute conscience. Dans le jeu, cela revient à accepter et apprécier nos pions et être prêt à ferroyer avec eux.
La réducation de l’angoisse
Le jeu, c’est le mouvement. Les psychologues et les neuroscientifiques l’ont démontré l’action permet d’éliminer des blocages mentaux. Alors aborder une notion mathématique par le jeu permet de réduire les appréhensions et d’apporter un ancrage dans la compréhension et la mémorisation.
La résolution de problèmes
Alors, qu’est-ce que la résolution de problèmes exactement ? C’est un processus de recherche d’une solution à un problème: un élève va utilser ses connaissances, ses expériences et les informations disponibles pour trouver une solution à un problème.
Les compétences en résolution de problèmes font référence aux capacités de réflexion spécifiques qu’on utilise lorsqu’on est confronté à un défi.
Parmi elles, la créativité, la pensée analytique, la prise de décision, le raisonnement logique, la persistance. Autant de qualités qu’un enfant de maternelle déploira pour comprendre comment deux blocs s’emboitent !
Les jeux tels que les échecs, les légos ou de construction développent ces compétences.
La pensée mathématique
Dans leur livre “Mathématiques ludiques”, Krasimira Marinova et Diane Biron observent que des enfants de quatre ans qui réalisent des constructions complexes avec des cubes ne développent pas seulement leur langage. Ils obtiennent aussi plus tard de meilleures notes en maths, indépendamment de leur QI.
Et demain
Pour récapituler
S’il ne fallait retenir qu’un seul jeu pour apprendre, ce serait le “jeu libre“. En effet, il permet à l’enfant une première possibilité absolument déterminante “d’avoir le courage de penser, de parler, et peut-être d’être vraiment lui-même” – Jerome Bruner. De plus, il offre la possibilité de développer la créativité, la réflexion, l’esprit d’analyse tout en donnant l’envie d’apprendre; Quatre compétences essentielles en mathématiques car avec cette matière il s’agit de “devenir un penseur créatif et non une calculatrice”.
Les autres activités ludiques ne sont pas exemptes de bénéfices cognitifs. Car le jeu est un moyen de s’informer sur les objets, les événements, d’affermir et d’étendre ses connaissances et savoir-faire. C’est un moyen d’intégrer la pensée à l’action.
L’attention, la maîtrise des ses émotions, la réduction de l’angoisse, la résolution de problèmes et la pensée mathématique sont autant de compétenses que l’ont peut améliorant en s’amusant, prouvant ainsi combien “Jeu et maths” font très bon ménage !
Si vous avez d’autres astuces à dévoiler, n’hésitez pas à me les laisser dans les commentaires. Et si vous avez apprécié cet article ou souhaitez me poser des questions, Faites donc ! Je serai ravie de vous répondre. À très bientôt !
Sources
« les jeux et les hommes ». Roger Caillois, Folio essais, 1992.
« Faîtes-les réussir en maths – De l’école à l’entrée au lycée ». Armelle Géninet, Broché, 2015.
“Mathématiques ludiques pour les enfants de 4 à 8 ans”. K. Matinova et D. Biron, Presses de l’Université du Québec, 2017.
https://www.reseau-canope.fr/apprendre-par-le-jeu.html
Faire des jeux, c’est le secret pour tout apprendre ^^
Absolument! “la créativité c’est lintelligence qui s’amuse” dixit Albert Einstein.
Ah, les bienfaits du jeu libre ! Adultes aussi, on devrait se laisser aller, de temps en temps…
oui on devrait se laisser plus de temps pour développer notre capacité à créer et à réflechir
merci pour tes retours