Un soir d’octobre 1930, un comptable de 44 ans rentre chez lui après une journée ordinaire.
Alors qu’il gare sa voiture dans le garage, un coup de vent ferme brutalement la porte. En essayant de sortir, il fait un faux mouvement, heurte sa tête contre la portière, et perd connaissance.
Le monoxyde de carbone envahit la pièce, provoquant une intoxication qui l’enverra à l’hôpital pendant plusieurs semaines.
Mais ce n’est que le début de son cauchemar.
À son réveil, ce comptable, habitué à jongler avec les chiffres, découvre qu’il ne peut plus faire une simple addition.
Quand on lui demande combien font 1 + 3, il est incapable de répondre.
Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il souffre d’acalculie, un trouble du cerveau qui efface la capacité à comprendre les nombres et à effectuer des calculs, même les plus basiques.
Ce cas étrange a ouvert une nouvelle porte pour les scientifiques :
- Comment le cerveau traite-t-il vraiment les chiffres ?
- Et surtout, quelles approches permettent de compenser ces déficits ?
Les réponses découvertes grâce à cette recherche vont bien au-delà de l’acalculie.
Elles ont permis de développer des méthodes qui peuvent aider tous les enfants, même ceux qui ont des difficultés sans avoir un trouble neurologique spécifique.
Des solutions concrètes, issues de cette étude, peuvent transformer l’apprentissage des mathématiques.
Curieux de savoir comment ?
Nous allons explorer ces approches simples mais puissantes qui peuvent faire toute la différence.
Pourquoi Certains Enfants Ont-ils du Mal avec les Mathématiques ?
L’Acalculie : Ce qu’Elle Nous Enseigne
Les mathématiques ne sont pas uniquement une question de logique.
C’est ce qu’ont découvert les neurologues Low et Singer en étudiant ce comptable qui, après un accident, ne pouvait plus faire de simples additions.
Pour comprendre, imaginez que le cerveau est comme une équipe qui travaille ensemble :
- La mémoire pour retenir les résultats,
- La vision pour reconnaître les chiffres,
- L’orientation spatiale pour placer les nombres correctement,
- Le langage pour comprendre les symboles comme “+” et “=”.
Dans le cas de ce comptable, deux « membres » de son équipe cérébrale ont cessé de fonctionner :
- La mémoire ne retenait plus les résultats intermédiaires des calculs, il oubliait donc où il en était dans l’addition.
- L’orientation spatiale lui faisait défaut, il ne parvenait plus à placer correctement les chiffres dans son esprit.
Résultat : il était incapable de faire des calculs qu’il maîtrisait parfaitement avant son accident.
Ce type de problème s’appelle l’acalculie, un trouble qui survient après un traumatisme crânien ou une lésion cérébrale.
Mais il ne faut pas confondre acalculie et dyscalculie.
Dyscalculie vs Acalculie : Quelle Différence ?
L’acalculie :
C’est donc un trouble qui survient après un traumatisme crânien, comme ce comptable. Il peut être aussi causé par une tumeur cérébrale ou un accident vasculaire cérébral (AVC).
On sait compter, puis, après une lésion, on n’y arrive plus.
En bref, l’acalculie altère les fonctions cognitives ((les capacités du cerveau à penser, apprendre et se souvenir) liées à la compréhension des nombres et à l’exécution des calculs, même les plus basiques.
Il existe donc plusieurs sortes d’acalculie :
Acalculie primaire
L’acalculie primaire est une difficulté causée par une lésion cérébrale qui affecte spécifiquement les capacités à manipuler les nombres, comme lire et écrire les chiffres ou résoudre des problèmes mathématiques.
Elle est dite “primaire” car la difficulté est directe et ne découle pas d’autres troubles cognitifs.
Exemple : Une personne peut lire “4” mais ne pas réussir à dire “quatre”.
Acalculie secondaire
L’acalculie secondaire est une difficulté en calcul qui résulte d’autres troubles cognitifs, comme des problèmes de langage ou de mémoire, perturbant indirectement les compétences mathématiques.
Elle est dite “secondaire” car le problème de calcul est une conséquence de ces autres troubles.
Exemple : Une personne ayant des troubles de mémoire pourrait oublier les étapes d’une addition simple.
Acalculie spatiale
La dyscalculie
On la nomme aussi trouble du développement de la cognition mathématique.
En fait, concrètement, c’est un trouble d’apprentissage qui commence dès l’enfance. C’est une difficulté à comprendre les nombres et à faire des calculs, sans qu’il y ait de lésion.
Comment Soigner la Dyscalculie ?
Et Chez les Enfants ?
Même sans traumatisme, certains enfants rencontrent des blocages similaires.
Ils peuvent avoir du mal à visualiser les nombres dans le bon ordre, à se souvenir des étapes d’un calcul, ou à comprendre des symboles mathématiques.
Ce Que Ça Nous Apprend
Ces recherches montrent que les difficultés en maths ne sont pas une question d’intelligence.
En adaptant la manière d’enseigner, avec des objets concrets ou des étapes plus simples, on peut aider les enfants à mieux comprendre les mathématiques.
Comment l’Acalculie Inspire des Stratégies Simples pour Aider Votre Enfant en Mathématiques
Maintenant nous savons que les difficultés en mathématiques viennent souvent d’un blocage dans la manière dont le cerveau traite les informations.
Voici quelques stratégies pratiques que vous pouvez utiliser pour rendre les maths plus accessibles à votre enfant :
1 – Utiliser des objets concrets pour soulager la mémoire
Quand les chiffres paraissent trop abstraits, rien de tel que des objets réels pour aider. En utilisant des cubes, des pièces ou même des fruits, votre enfant peut voir et toucher les nombres, ce qui l’aide à ne pas tout garder en tête.
C’est ce que la pédagogue Maria Montessori nomme la motricité fine, quand l’intelligence et la main vont de pair pour nous permettre d’apprendre sans douleur et pour longtemps.
« L’enfant ne peut pas penser sans ses mains ». Maria Montessori
Par exemple, pour un calcul simple comme 3 + 2, demandez à votre enfant de réunir 3 pommes et d’en ajouter 2.
Votre enfant peut ainsi comprendre le calcul sans avoir à se souvenir des étapes, ce qui réduit la pression sur sa mémoire.
2 – Rendre les maths ludiques pour aider à la reconnaissance des chiffres
Les enfants apprennent souvent mieux en jouant.
Utiliser des jeux de société comme les dominos ou le jeu de l’oie qui impliquent des nombres peut les aider à mieux reconnaître les chiffres.
Les applications et jeux éducatifs sont également très utiles, car ils permettent à votre enfant de s’entraîner tout en s’amusant.
Cela renforce leur capacité à reconnaître et à manipuler les nombres facilement.
3 – Utiliser une ligne numérique pour améliorer l’orientation spatiale
Dessinez une ligne numérique de 0 à 10, ou plus, et montrez à votre enfant comment les nombres sont placés.
Cela l’aide à comprendre où se trouvent les chiffres les uns par rapport aux autres.
Pour un calcul comme 5 + 3 :
- demandez-lui de poser son doigt sur 5,
- puis de « sauter » 3 unités à droite pour arriver à 8.
Cela rend les additions et soustractions plus claires et l’aide à mieux organiser les nombres dans sa tête.
4 – Faire des maths au quotidien pour donner du sens aux symboles mathématiques
Les maths sont partout ! Faites-les entrer dans la vie de tous les jours.
Quand vous cuisinez, demandez à votre enfant de mesurer les ingrédients. Aux courses, faites-lui comparer les prix ou comptez les pièces de monnaie.
En liant les maths à des actions concrètes, votre enfant comprend mieux les symboles comme “+” ou “=”, car il les relie à des choses qu’il fait vraiment dans la vie.
On Applique Ces Stratégies dès Maintenant !
Mettons donc en pratique ces méthodes :
1 – Additionner avec des Objets
- Prenez 5 objets (des pièces, des crayons, ou des jouets).
- Demandez à votre enfant d’en mettre 3 d’un côté et 2 de l’autre.
- Ensuite, demandez-lui de les rassembler et de les compter tous ensemble.
Changez régulièrement le nombre d’objets pour renforcer l’apprentissage.
2 – Faire les Opérations de Base avec la Ligne Numérique
Sur une feuille de papier, tracez une ligne numérique de 0 à 10.
Pour chaque addition ou soustraction, demandez à votre enfant de poser son doigt sur un nombre et de « sauter » vers la droite ou la gauche selon l’opération.
Cela l’aidera à visualiser les calculs.
3 – Faire des Maths en Cuisine
Pendant la préparation d’un repas, demandez à votre enfant de mesurer les ingrédients ou de diviser une recette en deux (cliquez ici vers le gâteau d’Alexandre).
Cela l’aidera à comprendre les fractions sans effort, tout en rendant les mathématiques plus concrètes et utiles.
Pour Récapituler – L’Acalculie d’un Comptable Révolutionne les Maths
L’histoire de ce comptable qui, après un accident, n’arrivait même plus à additionner 1 + 3, nous montre à quel point les maths sont plus qu’une simple affaire de logique.
Grâce à son cas, les chercheurs ont découvert que plusieurs parties du cerveau travaillent ensemble pour traiter les nombres : la mémoire, la vision, l’orientation dans l’espace, et même le langage.
Et quand une de ces parties « bugge », faire des calculs, même simples, peut vite devenir compliqué.
Mais la bonne nouvelle, c’est que cette découverte ne sert pas qu’aux neurologues !
Elle nous donne aussi des clés pour aider les enfants, qu’ils aient des difficultés ou non.
Comme utiliser des objets concrets, intégrer les maths dans des activités du quotidien ou en faire un jeu; Ce sont des méthodes simples qui peuvent vraiment changer la manière dont votre enfant perçoit les chiffres.
Et le comptable dans tout ça ?
On ne sait pas si son état s’est entièrement rétabli, mais certaines de ses compétences, comme les multiplications, se sont améliorées grâce à la rééducation.
Cette histoire a d’ailleurs ouvert la voie à des recherches importantes.
Aujourd’hui, des équipes pluridisciplinaires, composées de neurologues, neuropsychologues, orthophonistes et thérapeutes en rééducation, se penchent sur les conséquences des traumatismes crâniens et des AVC (accident vasculaire cérébral), en cherchant des solutions pour la réhabilitation cognitive (c’est-à-dire aider le cerveau à retrouver ses capacités).
Ce qui est sûr, c’est que ce cas a ouvert des portes pour mieux comprendre comment notre cerveau fonctionne et a permis de trouver des solutions concrètes pour rendre les maths plus accessibles à tous les enfants.
Et pour vous ?
Si vous trouvez que les maths sont un défi pour votre enfant, essayez ces astuces dès aujourd’hui.
Que ce soit en comptant des pommes à table ou en jouant à un jeu de société, vous verrez, les chiffres deviendront beaucoup plus amusants… et bien plus compréhensibles !
Sources
Archives of Neurology and Psychiatry – Lowe and Singer – 1933
Très intéressant ! Je comprends maintenant pourquoi on demande aux enfants de “manipuler” et je comprends l’importance de les faire jouer pour apprendre. Merci pour cet article !
Absolument Magdalena ! Parce que comme le dit Maria Montessori l’enfant pense avec les mains
Merci pour ces retours
Merci, je ne connaissais pas le terme acalculie. L’utilisation d’objets concrets et de jeux rend les mathématiques plus accessibles et amusantes pour les enfants. Cela montre bien que les maths peuvent être abordées différemment, même en cas de blocages cognitifs.
La manipulation et la motricité fine avant tout. Merci Jackie pour ces retours
Merci pour cet article très instructif.
Une façon ludique d’entrevoir les nombres avec des exemples concrets.
En effet, la manipulation et le jeu pour apprendre mieux
Merci Diane pour tes retours
Merci pour cet article, l’anecdote du comptable est un excellent point de départ pour expliquer ce trouble méconnu. Ma fille est multi-dys et j’aime beaucoup les méthodes proposées, comme l’utilisation d’objets concrets ou la ligne numérique. C’est simple à mettre en place!
Merci beaucoup, Élise, pour ton retour si positif ! Je suis ravie que les méthodes proposées te plaisent et qu’elles soient faciles à mettre en place pour aider ta fille. N’hésite surtout pas à poser d’autres questions, que ce soit sur la dyscalculie ou tout autre sujet pour soutenir les enfants comme elle. Je serai heureuse de pouvoir t’accompagner davantage!
L’article sur ce terme “acalculie” que je ne connaissais pas est ftrès intéressant. J’ai aimé la touche personnelle que tu apportes en racontant cette histoire rend le sujet plus accessible, et j’ai apprécié comment tu expliques l’impact que cela peut avoir sur la vie quotidienne. Un bel article qui humanise la difficulté mathématique !
Merci Miren pour tes retours. C’est souvent dans les incidents ou les challenges de la vie qu’n fait les plus belles découvertes