Comment Hacker Son Cerveau Pour Progresser En Maths ?

Spread the love

« Tu vois Steph, je t’avais dit que ça servirait à rien et que j’y arriverai pas ! »

J’ai 13 ans. Je suis au collège et je sors du cours de gymnastique avec ma meilleure amie et camarade de classe Stéphanie.

Ancienne grande gymnaste et entraîneure d’une équipe locale d’athlètes, la professeure d’éducation physique et sportive Madame Bée nous met au défi de réussir des mouvements au sol qui me terrorisent. Quand elle a essayé de me faire faire un flip avant avec toutes les précautions possibles, je me suis figée.

Ce matin, sachant que j’allais apprendre et exécuter ce saut par renversement en avant je me suis levée morose et irritable. Du coup, j’ai même oublié (consciemment ou non) mon t-shirt de sport et j’ai dû en emprunter un à une camarade. J’ai traîné les pieds pour m’y rendre et devinez quoi ?

La séance de gym a été catastrophique.

Et puis, il y a quand même quelque chose qui me titille… Stéphanie et moi avons beaucoup d’atomes crochus mais certainement pas le sport ! Je fais beaucoup de danse ainsi que de l’athlétisme alors que Stéphanie se passionne davantage pour les courses de rallye sur Nintendo.

Et pourtant pendant cette même séance, elle a réussi plusieurs mouvements au sol et à la poutre.

Comment cela est-il possible ?

Ça, vous allez le découvrir grâce à un concept que notre professeure Madame Bée a mis en pratique, une technique thérapeutique conceptualisée qui m’a permis de faire sauter les verrous de mon blocage et de changer ma perspective pour toujours :

Hacker son cerveau par le biais du triangle cognitif.

Le triangle cognitif ou le triangle émotions pensées et comportements

Un petit historique

Quand il se casse le bras à l’âge de 8 ans, Aaron Tim beck (1921-2021) n’imagine pas combien la grave infection qu’il a contractée à la suite de son opération va changer le cours de sa vie.

Isolé pendant un mois à l’hôpital, il se tourne vers la lecture et l’écriture qui lui procurent le terrain fertile pour analyser sa conscience et ses pensées.

Cette habitude ne va plus le quitter.

Et en 1942, quand il entame des études de médecine au centre psychanalytique de Philadelphie, ils se passionne pour la psychanalyse.

Cependant, il déplore le manque de bases scientifiques des thérapies en présence. À partir de 1954, ses travaux s’écartent peu à peu de l’approche freudienne de la psychanalyse pour se focaliser sur la pensée des patients.

Son credo : « une personne peut influencer ses idées et ses pensées »

Il consacre son premier ouvrage sur les bienfaits de valoriser les faits plutôt que le ressenti afin de retrouver l’estime de soi et adopter une attitude positive vers le monde, son entourage et son avenir. Il écrit alors son premier livre en 1967 intitulé « dépressions : causes et traitement »:

Le triangle cognitif était né.

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Opération "rentrée cool" !

En théorie

Le triangle cognitif est devenu une des stratégies les plus populaires de la CBT (Cognitive Behavioral Therapists, un ensemble de traitements des troubles psychiatriques) pour traiter les patients de l’anxiété, de la dépression et d’autres facteurs de stress liés au mode de vie.

Nous, humains, sommes des êtres complexes.

Par ce biais du triangle cognitif, Aaron Beck connecte les pensées, les émotions, et les comportements de chacun  pour qu’on puisse prendre conscience de notre fonctionnement et notre capacité à en (re)prendre le contrôle. En bref, comprendre comment hacker son cerveau.

hacker son cerveau : le triangle cognitif

 

Pensées

On ne peut pas s’empêcher de penser, c’est impossible.

Les pensées sont en général remplies de critiques. Des commentaires intérieurs négatifs qu’on se dit à soi-même sur ce qui va se passer. Il faut être conscient de ses pensées négatives souvent automatiques pour pouvoir les interrompre.

En 1989, le docteur David Burns a extrait 10 catégories de ces pensées contre lesquelles il faut s’armer.

Les 10 actégories de pensées négatives
  1. Tout ou rien : c’est noir ou blanc. Si ce que vous avez accompli n’est pas parfait alors c’est que vous êtes nul.le.
  2. Filtre mental négatif : vous voyez le monde à travers un seul détail négatif qui se reflète sur toute votre réalité.
  3. Sur-généralisation : telle une pomme pourrie dans un panier de fruits, un seul événement négatif contamine toutes les actions à venir. Une succession de défaites sans fin.
  4. Rejet du positif : les expériences positivent ne comptent pas ; vous pouvez ainsi entretenir une croyance négative malgré un quotidien qui offre des opportunités de croire le contraire.
  5. Conclusions hâtives : vous avez l’habitude de faire des interprétations négatives, même si aucun élement vous permet objectivement de le penser. En fait, vous attribuez aux autres sans vérification des sentiments négatifs à votre égard.
  6. Roue de l’infortune : tout est déjà écrit. Vous prévoyez que les évenements à venit vont mal tourner.
  7. Raisonnement émotionnel : vos émotions décrivent la réalité “si je sens qu’on me déteste, ça doit être vrai”
  8. Catastrophisation / Minimisation :  vous exagérez vos échecs et minimisez vops réussites.
  9. Culpabilisation : vous vous motivez à coups de “il faut” ou “il ne faut” pas. Ce qui vous en coûte en pression, punition (si vous n’y arrivez pas) et donc culpabilité.
  10. Victimisation : ce qui arrive n’est pas votre faute. C’est l’univers qui est contre vous.

Chacune de ces pensées négatives peut avoir un impact majeur dans votre vie car elles formatent nos réactions émotionnelles.

 

Emotions

Le deuxième point du triangle pensées – émotions – comportements ou triangle cognitif est “les émotions”.

Comme nous l’avons vu dans notre article Apprendre grâce à ses émotions, elles sont une “réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement”.

C’est aussi d’après les études en neurosciences, la réponse du cerveau face à ces événements qui va déclencher des états physiologiques tels que la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère ou la surprise.

Qu’arrive-t ’il dans la situation suivante ?  «je viens de croiser Julia, je lui fais un signe et elle ne me l’a pas rendu ». Je serai sans doute triste et donc ma réponse émotionnelle sera la tristesse car « je me sens  ignorée ». Cela montre combien la pensée affecte les émotions.

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Maths et plaisir en cuisine : La recette secrète pour des maths sans stress ensemble !

En fait, les pensées sont des déclencheurs émotionnels.

 

Comportements

Le troisième sommet du triangle est “les comportements”.

“Le comportement est un enchainement ordonné d’actions destiné à adapter l’individu à une situation telle qu’il la perçoit et l’interprète.” – Jean Cottraux

 

Poursuivons. Je me sens donc triste. Quelle va être ma réaction ? Je vais probablement ruminer et m’isoler.

Ainsi, on voit bien le schéma non vertueux qui se dessine à travers ce triangle cognitif : une pensée (négative) déclenche une émotion, qui elle-même engendre un comportement.

 

Ce que nous dit Aaron Beck: lorsque nous sommes en mesure de modifier nos pensées, nos comportements changent naturellement.

 

En pratique

Imaginons que votre  enfant se dit qu’il n’est pas bon en maths et que de toute manière il n’y comprendra jamais rien. Le triangle cognitif va nous aider à saisir la réaction en chaîne psychologique, émotionnelle et physiologique.

D’abord, cette pensée va engendrer des émotions négatives de découragement, de frustration et même de colère refoulée.

De manière automatique, votre enfant va avoir tendance à bâcler ses devoirs, ou ne pas s’investir dans ses leçons, ses exercices en classe et ses devoirs à la maison.

hacker son cerveau: le triangle cognitif en pratique

 

Et là, à ce stade, votre enfant s’apprête à « refaire un tour » du triangle cognitif .

En effet, ses mauvaises notes finissent par le conforter dans ses pensées défaitistes . Par conséquent,  sa frustration et son découragement grandissent (émotions) et il adopte une attitude encore plus laxiste, distante avec les maths (comportements).

Alors, comment briser cette spirale infernale ?

 

Comment hacker son cerveau

En théorie

Sous l’effet d’une pensée négative, il est possible de hacker son cerveau, pirater cette pensée avant qu’elle nous déclenche une émotion négative regrettable.

On se posera alors 2 questions :

  • Q1– Est-ce que ce que que j’affirme est vrai ? (je n’exagère pas, c’est le reflet de la réalité ?)
  • Q2– Est-ce que penser cela m’aide à me sentir mieux ?

 

En pratique

L’objectif est donc de modifier les pensées de votre enfant sur lui-même pour lui permettre de gérer, réguler ses émotions et ainsi modifier son comportement.

Il pense qu’il est nul en maths et qu’il n’y comprend jamais rien.

  • Q1 – Est-ce que c’est vrai ? Biensur que non. Il a tendance à “jeter le bébé avec l’eau du bain”. Par exemple, il y a une ou deux choses qu’il a saisi mais n’a pas compris l’objectif de la leçon. Commencez donc par valoriser ce qu’il sait et discutez avec lui des élements de compréhension qui lui font défaut.

 

  • Q2 –  Est-ce que penser cela m’aide à me sentir mieux ? Si il est frustré, en colère ou triste , vous savez que cette émotion négative ne va certainement pas lui apporter la bonne attitude face aux efforts à faire pour progresser dans ses exercices de maths. Mais plus de frustrations.

Par conséquent, même si son niveau de maths laisse à désirer, il choisit de penser qu’il va progresser.

L’émotion générée ne sera certes pas la joie mais sans doute une autre plus neutre telle que l’approbation. Ainsi, il choisit de faire des exercices, de réviser ses leçons pour progresser.

En fait, il adopte un “esprit de croissance” tel que la professeure en psychologie Carole Dweck le décrit (cliquez vers l’article) :  quelqu’un qui a la conviction qu’il peut toujours progresser et apprendre. Ainsi, quand il recevra sa prochaine note, il regardera avant tout ses améliorations pour s’encourager à faire mieux encore la prochaine fois.

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Les Styles d'Apprentissages : Votre Enfant Est-il Hibou ou Renard ?

Et vous allez voir, ce comportement positif va rayonner jusqu’à atteindre le professeur et vous-même qui auront plaisir à le motiver et à l’encourager davantage en retour.

Ce qui apportera non seulement la confiance en soi mais aussi l’estime de soi.

 

Pour Récapituler

Fais attention à tes pensées, car tes pensées deviennent tes paroles.
Fais attention à tes paroles, car tes paroles deviennent tes actions.
Fais attention à tes actions, car tes actions deviennent tes habitudes.
Fais attention à tes habitudes, car tes habitudes deviennent ton caractère.
Fais attention à ton caractère, car ton caractère devient ton destin”.
 Proverbe chinois

les clés essentielles pour hacker son cerveau

Pour changer son comportement et réussir en mathématiques et à l’école, il convient de hacker son cerveau, pirater ses pensées afin de (re)prendre le contrôle de ses émotions.

 

C’est assez difficile car les pensées et les émotions ne se projettent pas dans le même espace temps.

 

En effet, les pensées puisent leur force dans le passé et le futur alors que les émotions (le corps) s’enracinent dans le présent. Il faudrait alors leur permettre de se rejoindre dans le présent.

 

Et c’est d’ailleurs ce que propose la méditation dans plusieurs établissements aujourd’hui en France pour réconcilier le corps et l’esprit , et améliorer l’apprentissage des élèves.

 

Cependant, on pourra court-circuiter les émotions automatiques générées par des pensées négatives en posant 2 questions :
  • Q1– Est-ce que ce que que j’affirme est vrai ? (je n’exagère pas, c’est le reflet de la réalité ?)
  • Q2– Est-ce que penser cela m’aide à me sentir mieux ?
En y répondant, votre enfant avec votre aide pourra installer une pensée positive qui activera le triangle vertueux d’une émotion positive vers un comportement proactif.

Pour Finir – Comment J’ai Pu Hacker Mon Cerveau

C’est ce que ma professeure Madame Bée a réalisé pour hacker mon cerveau et me libérer de ma frustration.
En effet, je savais bien faire une chose: la roue. J’étais donc déjà capable de faire une figure de gymnastique. Ce qui m’a rassuré et boosté à faire un peu mieux, un peu plus à chaque fois.
Et un jour, je suis arrivée en cours de gym, avec le même enthousiasme que Stéphanie montrait et que je lui enviais quand elle réussissait les mouvements qu’elle voyait à la télé.

Alors, c’est à vous maintenant : aidez le à tutoyer l’impossible. Et comme nous le rappelle Nelson Mandela :

« Tout est toujours impossible jusqu’à ce que ça soit fait ».

 

Merci d’avoir lu notre article.  Si vous avez des commentaires des questions des astuces, n’hésitez pas à les partager ci-dessous. Nous serons ravis de les lire et d’y répondre !

Sources

https://beckinstitute.org/about/intro-to-cbt/

« La thérapie cognitive et les troubles émotionnels » – Aaron Tim Beck (Deboeck, 1976)

« Osez réussir ! : Changez d’état d’esprit » – Carol Dweck (Editions Mardaga, 2017)

 

7 Comments

  1. Quel article ! Ce triangle c’est quelque chose que l’on pressent, on sent bien quand “ça commence mal” et qu’on traîne des pieds pour faire quelque chose, et inévitablement ça ne fonctionne pas. C’est vraiment intéressant de voir que cela a été formalisé et qu’il existe des solutions pour briser ce cercle vicieux. Si je comprends bien, on a ensuite 3 points à travailler au quotidien pour faire en sorte que le processus de dévalorisation ne se réenclenche pas : changer nos comportements (actions, habitudes, manière de faire), prendre conscience de nos pensées pour ne pas laisser se développer les pensées négatives et (je crois que c’est beaucoup lié à nos pensées récurrentes) travailler sur la gestion des émotions.
    En tout cas merci pour cet éclairage vraiment intéressant !

    • Merci Samantha pour ces retours. Absolument, cela vient souvent de nos pensées récurrentes et automatiques qui en général nous desservent. En prendre conscience est déjà un grand pas pour pouvoir les interrompre et commencer nous-mêmes à changer.

  2. Merci pour ce super article! J’ai fait pas mal de judo. J’étais une vraie quiche en compétition, pourtant il fallait que j’en fasse pour obtenir ma ceinture noire. Je me sentais nulle, j’y allais à reculons, et j’échouais. Un jour, y’a eu comme un déclic dans ma tête et je me suis dit que je n’étais pas si nulle que ça, j’y suis allée avec plus d’espoir mais surtout plus de confiance…et j’ai gagné! Je crois que, sans le savoir, j’avais mis en marche le triangle magique!

    • Super ! En effet, on réalise que dans des moments importants de notre vie, nous avons expérimenter ce triangle cognitif sans en avoir conscience. Désormais, à nous de l’activer pour nous-mêmes et les enfants consciemment pour devenir meilleur.e . Merci pour ce retour d’expérience Claire !

  3. Merci pour cet article très clair sur le triangle cognitif et cette manière très intelligente de l’utiliser pour enrayer un effet boule de neige négatif !
    Les deux questions posées (et donc à se poser à soi / à nos enfants) sont très pertinentes, surtout quand c’est suivi d’une action plus facile qui aboutit sur une réussite de l’enfant, et qui recrée une dynamique de pensée et émotions positives, pour aller plus loin… et réussir à lever les blocages !

  4. Merci Line pour cet article tellement pertinent !

    Ça me fait penser à :
    “La méthode Silva: la réussite à la portée de tous” Livre de José Silva.
    Il utilise des techniques de visualisation et de projection dans le futur pour créer des situations de réussite.

    • Absolument Christelle ! Nos pensées pensées sont extrêment puissantes. Merci pour ce partage d’expérience et de lecture !

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*