L’approche tête cœur et corps pour apprendre

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« Apprendre, c’est agir et ressentir avec tout son être ». C’est avec ces mots que les autrices et professionnelles de l’apprentissage Audrey Akoun et Isabelle Pailleau introduisent l’approche tête cœur corps de la pedagogie positive.

Dans notre dernier article (cliquez ici), nous avons vu l’origine de cette approche qui prend ses racines dans les pratiques et théories pédagogiques des experts Maria Montessori, Antoine de la Garanderie et Rudolf Steiner.

Aujourd’hui, nous allons apprendre à apprendre avec « la tête » et dans les deux prochains articles nous saurons comment apprendre avec « le cœur », puis avec « le corps ».

Pour illustrer la pedagogie positive, nous allons à la rencontre de la petite Léa, 10 ans, en classe de CM1.
Elle rencontre des difficultés à se concentrer en classe et à retenir ses leçons pour le lendemain. Aujourd’hui, le maître a abordé la table de multiplication de 5, et a donné et corrigé plein d’exercices en classe. Léa rentre de l’école avec sa leçon à connaître et un exercice à résoudre.
Comment ses parents peuvent la guider afin qu’elle apprenne dans les meilleures conditions ?

 

Apprendre avec la tête : l’évocation

l’approche tête cœur corps croissant

Mmmm le bon croissant

Fermez donc les yeux. Allez, un petit effort. Voilà.

Si je vous dis le mot « croissant », que voyez-vous dans votre tête ? Que ressentez-vous ?

  • Vous voyez le croissant de votre pâtisserie préférée
  • Vous voyez le mot « croissant » écrit
  • Vous vous voyez dessiner le mot croissant à la main
  • Vous voyez un croissant de lune tout blanc, dans la nuit étoilée
  • Vous avez l’odeur du croissant chaud dans les narines
  • Vous sentez le feuilleté du croissant dans votre bouche
  • Vous pensez au brunch familial du dimanche
  • Vous vous répétez le mot dans votre tête
  • Vous vous dites que ce n’est pas raisonnable : 400 calories pour 100 g de plaisir. Vous lui préférez une pomme à 52 calories
  • Vous vous dites que vous n’avez jamais vraiment compris les paroles de « au clair de la lune »

Cet exercice a été popularisé par le philosophe et pédagogue Antoine de la Garanderie; C’est ce qu’il appelle « l’évocation » : le laps de temps entre le moment où on perçoit l’objet avec nos 5 sens et celui avec lequel on restitue l’objet perçu.

Maintenant, vous allez demander à votre enfant de faire le même exercice. Et vous allez réaliser que vous n’avez pas du tout la même manière « d’attraper » le mot croissant par vos sens que lui. Que ce soit au niveau de l’imaginaire du mot croissant (lune où pâtisserie), que ce soit au niveau des sensations (toucher, odorat).

En bref, vous ne pouvez pas savoir ce qu’il y a dans la tête de votre enfant simplement en vous référant à ce qui se passe dans la vôtre. Par extension, nous avons tous une manière unique de capter  et de mémoriser une information.

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Le croissant de Léa

Que se passe t ‘il dans la tête de la petite Léa et de sa maman ?

Sa maman voit une pâtisserie. Elle n’aime pas les viennoiseries et n’y voit qu’une source calorique prête à se déposer sur ses hanches.

Léa, quant à elle, voit le croissant et en sent l’odeur.

 

À la suite de ces nombreuses observations de l’évocation, Antoine de la Garanderie a identifié 3 profils d’apprentissage ou langues maternelles grâce auxquelles nous avons le plus de facilité pour apprendre.

 

Apprendre avec la tête : les 3 profils d’apprentissage

En théorie

On les nomme aussi les 3 langues maternelles ou stratégies de mémorisation :

  • Profil auditif : j’apprends mieux en écoutant.
  • Profil visuel : j’apprends mieux en regardant.
  • Profil kinesthésique ou corporel : j’apprends mieux en bougeant mes mains, mon corps.

L’idée ici est de discerner le profil d’apprentissage de votre enfant grâce à la palette évocative ci-dessous, sans faire de vous un expert.

l’approche tête cœur corps la palette évocative

En pratique

Comment Léa évoque ou “fait exister dans sa tête” le mot « croissant » ? Sa maman va suivre pas à pas la palette évocative pour le savoir :

  • Branche rouge : “croissant”apparaît de manière concrète dans la tête de Léa, ni en codes ou symboles (croi – ss- ant), ni en liens logiques (croissant fait partie des viennoiseries), et ni en liens inédits (« croissant » me fait penser à aller faire du sport pour éliminer).
  • Branche jaune : le mot apparaît en images et en ressentis – Léa voit le croissant et en hume l’odeur.
  • Branche verte : Léa évoque-t-elle de manière globale (image du croissant en entier ou le mot en entier) ou de manière analytique (j’épèle le mot croi-ss-ant ou c-r-o-i-s-s-a-n-t) ? La petite fille voit la pâtisserie en entier donc a une évocation globale.
  • Branche bleue : quand Léa évoque, qui est le sujet de l’évocation ? Est-ce qu’elle se voit en images manger le croissant ou c’est une autre personne ? « Moi ! », répond Léa.

Ainsi, avec sa maman, Léa en conclut qu’elle est de profil d’apprentissage plutôt visuel. Cependant, elle va pouvoir avec l’aide de ses parents élargir sa palette évocative afin de développer ses deux autres langues maternelles, auditive et kinesthésique. En effet, certains projets (comme l’apprentissage d’une langue étrangère par exemple) vont lui demander d’améliorer ses capacités auditives.

 

En effet, l’évocation est la première clé pour comprendre comment on apprend dans l’approche qu’ Antoine de la Garanderie a développée : la gestion mentale, une « analyse complète des processus mentaux ».

 

 

Apprendre avec la tête : les gestes mentaux d’attention et de concentration

Comme nous l’avons vu dans notre article sur la gestion mentale, il existe 5 gestes mentaux : l’attention, la mémorisation, la réflexion, la compréhension et l’imagination créative.

La pedagogie positive et son approche tête-cœur-corps privilégient l’attention et la concentration  car elles sont la porte d’accès à tout apprentissage cognitif (c’est-à-dire acquisition des connaissances) optimum.

Qu’est-ce que l’attention ? C’est notre aptitude à attraper, capter la réalité qui nous entoure avec nos 5 sens.

Qu’est-ce que la concentration ? C’est notre capacité à mobiliser nos sens et bannir toute distraction pour accomplir une tâche.

L’enfant qui se concentre et qui est attentif consomme beaucoup d’énergie physiologique pour apprendre des notions. Alors comment peut-il mobiliser son attention et sa concentration pour un apprentissage serein et optimum ?

La pedagogie positive propose les 3 outils suivants :

  • Le mandala
  • La méthode Vittoz
  • L’axe de symétrie

 

Le mandala

l’approche tête cœur corps mandala

Le mandala (thermo sanskrit pour « cercle ») a été plébiscité par les récentes recherches neuropédagogiques comme favorisant la réduction du stress et le développement des capacités de concentration et d’attention.

Avant de commencer ses devoirs, vous pouvez demander à votre enfant de colorier un mandala de pendant 5 min ; de l’extérieur vers l’intérieur pour la concentration, et l’inverse de l’Intérieur de l’extérieur pour l’attention.

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En France, la professeure de mathématiques Armelle Géninet a popularisé le mandala à travers de nombreux ouvrages sur le sujet.

 

La méthode Vittoz

Pour le docteur Roger Vittoz, le cerveau ne peut pas à la fois recevoir et émettre. En 1890, il met au point une méthode d’ éducation du contrôle cérébral afin de rééquilibrer les 2 fonctions du cerveau : la pensée (réceptivité) et le raisonnement (émissivité).

En effet,  en hyper émissivité, on est sans cesse envahi de pensées et il n’existe pas de bouton “OFF” pour y mettre fin pour laisser de la place à de nouvelles notions à apprendre. Parallèllement, en hyper réceptivité, on est débordé par les informations perçues et on est plus en mesure de réfléchir.

Le docteur Vittoz préconise les petits entraînements quotidiens suivants de 5 min chacun :

Pour l’émissivité : Demandez-lui de fermer les yeux et d’imaginer un tableau blanc sur lequel il trace les lettres de l’alphabet. Il commence par le A, il l’efface. Puis le B, il l’efface pour laisser place au C et ainsi de suite. L’objectif est de faire tout l’alphabet sans se déconcentrer. Tout décrochage implique que votre enfant redémarre à la lettre A. (en général les enfants s’arrêtent à la lettre H mais après quelques temps ils arrivent à faire tout l’alphabet sans se déconcentrer)

Pour la réceptivité : Le cerveau au calme, encouragez-le à accueillir avec ses 5 sens tout ce qui l’entoure : les objets, les formes, les couleurs, les odeurs … ceci sans réfléchir. Vous souhaitez ainsi qu’il améliore sa capacité à recevoir de nouvelles informations

 

L’axe de symétrie

C’est un exercice de recentrage afin que l’enfant puisse rassembler toute son énergie et sa concentration juste avant d’apprendre sa leçon où faire ses devoirs.

Invitez-le à s’asseoir et à fermer les yeux. Décrivez-lui alors une voix posée et douce une ligne qui partage son corps en 2 moitiés identiques du sommet du crâne en passant par le front, le nez, le menton, le cou, la poitrine jusqu’aux pieds. Et ensuite, il remonte des pieds jusqu’à la racine des cheveux avec comme objectif de rassembler, te connecter les 2 parties de son corps en une seule.

l’approche tête cœur corps axe de symétrie

 

Tous ces outils d’aide à la concentration et à l’attention sont très efficaces pour mettre l’enfant dans un état propice à l’apprentissage, c’est-à-dire prêt à recevoir et acquérir de nouvelles informations.

Cependant, pour booster son attention, il faut aussi que l’élève soit conscient du but de son apprentissage ; c’est ce que Antoine de la Garanderie « se mettre en projet » quand l’apprenant est « conscient de l’orientation de l’activité ainsi que le sens de celle-ci ».

 

Apprendre avec la tête : le projet de sens

Apprendre, c’est très bien, mais savoir pourquoi c’est beaucoup mieux car on a davantage de chances d’être suffisamment motivé pour y arriver.

Les autrices Audrey Akoun et Isabelle Pailleau  conçoivent leur méthodologie d’apprendre avec la tête  autour de 4 questions de projets (hérités de ceux du pédagogue la Garanderie). Est-ce que j’apprends pour :

  • Le redire
  • Le refaire
  • Le savoir demain, la semaine d’après, toujours
  • Le réutiliser une fois, plusieurs fois, tout le temps.

D’après la maîtresse, Léa a du mal à retenir les leçons. Sa maman est très surprise car les devoirs à la maison se passent bien. Alors, que se passe-t-il le lendemain à l’école ? On demande alors à Léa « Pourquoi tu apprends ? ». Elle répond : « C’est pour le dire à maman ». Ainsi, il apparait que son projet d’apprentissage est à court terme. En lui indiquant qu’il faut aussi inclure dans son projet « le redire à la maîtresse » et « connaître les mots pour toujours », on va lui permettre d’acquérir une connaissance à long terme.

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Les routines

l’approche tête cœur corps les routines

Bon, les routines c’est essentiel. Quand on est un petit bébé, installer une routine c’est procurer un système sécurisant qui apporte confiance et sérénité. Alterner routines obligatoires pas très amusantes – comme se brosser les dents – avec les routines de plaisir – comme l’histoire avant le dodo –  applanit les frustrations.

Pourquoi ne pas remettre les routines goût du jour pour votre élèves de primaire, de collèges ou de lycées ?  Faites donc un planning avec lui avec les routines obligatoires – c’est-à-dire Le temps des devoirs – avec les routines de plaisir – jouer à la console. Il faut 21 jours consécutifs pour faire d’une routine une habitude. Pour y parvenir voici quelques outils.

Time timer

l’approche tête cœur corps timer

Un bon outil pour matérialiser le temps. Mais, vous pouvez aussi utiliser un pomodoro.

Méthode des cœurs

Munissez-vous d’un chronomètre. En fonction de l’âge, le temps consacré au travail ou manche  sera entre 10 et 25 min point En général une tâche “dure 3 cœurs”. Vous êtes prêt ? Partez !

A chaque manche achevée, Léa colorie un cœur et bénéficie de 5 minutes d’une pause bien méritée – elle évitera la télé ou internet afin de favoriser un vrai repos cérébral. En général 3 manches vont lui suffir pour boucler une activité.

 

C’est incroyable comme cette auto-gratification a des effets positifs sur l’apprentissage ! Nous l’avons vu dans notre dernier article sur l’Effet Zeigarnik : constituer une liste de tâches et rayer les éléments de cette liste au fur et à mesure que les actions sont accomplies permet au cerveau d’enregistrer ces actions comme des récompenses. Et cela booste la motivation !

Kaizen ou la méthode des petits pas

« Comment mange-t-on un éléphant ? Une bouchée à la fois ! »

Alors, commencez découper l’objectif SMART (apprendre la table de multiplication de 5) en plusieurs petits objectifs.

Spécifique – clair, précis et compréhensible.

Mesurable – on définit une valeur à partir de laquelle on considère que l’objectif est atteint.

Ambitieux – c’est un objectif ambitieux qui l’inspire.

Réaliste – c’est un objectif certes ambitieux mais réalisable.

Temporellement défini – c’est un objectif défini dans le temps avec une durée, un début et une fin.

Dans l’apprentissage de sa table de 5, Léa devra commencer par ce qu’elle connaît. En effet, comme elle maîtrise déjà ses tables de multiplications jusqu’à 4, elle n’aura aucun mal à reconnaitre 5×1, 5×2, 5×3 et 5×4 que l’on retrouve aussi dans les tables de 1, 2, 3 et 4.

Cette méthode permet de conserver une bonne motivation de l’apprenant tout en accomplissant son projet d’apprentissage.

 

Pour récapituler

Apprendre avec la tête c’est :

  • évoquer ou faire exister dans sa tête
  • connaître son profil d’apprentissage (auditif, visuel ou kinesthésique)
  • apprendre à être attentif et à se concentrer
  • identifier son projet de sens (pourquoi on apprend)
  • se construire une routine quotidienne pour mettre en marche chaque jour toutes ces actions

Voilà. Vous avez les clés pour déverrouiller les cinq actions pour péparer sa tête  à apprendre !

Dans notre prochain article, nous irons voir du côté du coeur et des émotions, un univers nouveau dont l’exploration par les neurosciences est toute récente. Soyez certains d’être surpris par les incroyables découvertes pour l’apprentissage !

 

Sources

www.garanderie.com

« Heureux d’apprendre à l’école » – Dr catherine Gueguen (Robert Laffont, 2018).

« Faîtes les réusssir en maths » – Armelle Géninet (Chronique Sociale, 2017)

« La pedagogie positive » – Audrey Akoun et Isabelle Pailleau (Eyrolles, 2013).

10 Comments

  1. J’adore cette approche! Merci pour cet article très complet et très pédagogique!

    • Ravie Miren que cette approche t’ait plu ! Après “la tête”, nous allons dans les deux prochains articles comprende comment apprendre avec le coeur et le corps. Encore d’autres découvertes enrichissantes 🙂

  2. Bonjour,
    Cet article me parle beaucoup car je suis passé par une classe préparatoire aux grandes écoles où la charge de travail est particulièrement importante.
    Nous avons donc appris à se concentrer, à identifier son projet de sens (réussir les concours), à se construire une routine quotidienne (travailler 2h, puis manger, puis s’y remettre 2h mais ne pas dépasser 23h).
    Merci pour ce partage !

  3. J’avais déjà vaguement entendu parler de cette approche mais ton article éclaire cette méthodologie de manière très simple! Merci pour cet article!

  4. Merci pour la découverte de cette approche, que je faisais déjà en grande partie, instinctivement . Le fait de le conscientiser va m’aider à encore mieux procéder !
    Le projet de sens me parle particulièrement ! Quand j’étais élève naturo, le fait de savoir que je devais savoir ci ou ça pour pouvoir en parler et expliquer les choses lors des consultations, ça m’aidait drôlement à mémoriser les choses au delà du contrôle de validation du cours quelques semaines plus tard, je confirme !

    • Merci Valérie pour ce partage d’expérience ! Bravo pour l’intuition 🙂

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