Autrefois, la route qui menait de l’enfance vers l’âge d’adulte était jalonnée de rites de passage. Ces différentes étapes étaient des couloirs obligés pour accéder vers l’autonomie. Encore aujourd’hui, de tels rites ancestraux demeurent : chez les Matis au Brésil, les jeunes garçons ne deviennent des hommes que s’ils réussissent une épreuve de chasse après avoir eu leur vue affectée par un jus de plantes amères.
Dans notre société, le parcours scolaire en est une version moderne. Car l’école est devenue la route officielle vers l’indépendance.
Et faire ses devoirs dans tout ça ? Un élément essentiel pour un enfant de réfléchir par lui-même, de devenir en un sens responsable de son savoir.
Votre rôle de parent est donc de l’accompagner dans son envie de grandir, de savoir, de devenir plus autonome tout en lui offrant un cadre pour apprendre et comprendre.
Mais le chemin est semé d’embûches. En tant que parent, Il va vous falloir, non seulement vous investir dans une vraie collaboration avec l’éducation nationale, mais aussi composer avec votre affectivité envers votre enfant (par exemple l’aider sans tomber dans l’envie de « le faire à sa place »).
Votre expérience de cette route et votre accompagnement feront toute la différence.
Donner du sens aux devoirs
Votre petit Léo déboule devant vous, son ballon foot dans les bras.
« Tu as fait tes devoirs ? », lui demandez-vous.
« Oui », vous répond-il. Et sur ces mots, il sort de la pièce telle la fusée Apollo lancée au démarrage.
Quelques jours plus tard, assise à ses côtés, lors de devoirs, vous réalisez que Léo n’a guère d’enthousiasme pour apprendre ses leçons. Il est très vite frustré, ne cache pas son ennui.
« Alors, tu as ici 12 personnes dans la salle A dont 25% sont des hommes. Et dans la salle B, tu as 15 femmes et 40 hommes. Et on sait qu’on a au total 67 personnes.
Est-ce que tu veux bien me faire un dessin pour représenter tout ça ? »
Votre petit garçon émet un long soupire et finit par vous demander « Mais d’abord, ça sert à quoi de savoir tout ça ? »
C’est le moment pour vous en tant que parent de donner du sens à ses devoirs.
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En effet, le terme “devoirs” (comme le verbe devoir l’indique) est bien synonyme de pression éducative et votre enfant ressent cette obligation sans vraiment en comprendre la finalité, l’aboutissement.
Après tout, vous aussi évitez « les devoirs à la maison », vous évitez de ramener du travail chez vous. Et quand vous le faites, c’est que vous avez une très bonne raison : terminer une présentation, clore un budget avant le lendemain, achever toutes les tâches en suspens avant de partir en congés … Bref, votre objectif est de remplir votre rôle au sein de l’entreprise et vous êtes d’autant plus motivé d’accomplir ces tâches quand vous en connaissez la portée.
Quant à votre enfant, son métier actuel est celui d’élève. Hélas, il vous avoue qu’il n’en saisit pas la raison.
Oui, vous le savez qu’il est là pour « apprendre »
Et il y a une différence entre « faire ses devoirs » et « apprendre » et vous allez le lui expliquer :
C’est avant tout une question de responsabilité. Est-ce que je fais mes devoirs à la maison dans le désir de m’en libérer au plus tôt et remplir le contrat passé avec le maître ou la maîtresse (Faire son/ses devoir(s))? Ou bien, dans l’objectif d’acquérir des connaissances, de grandir, de parcourir le chemin vers l’autonomie (i.e. apprendre)?
C’est ce que le pédagogue et père de la gestion mentale Antoine de la Garanderie (cliquez ici vers l’article) nomme le projet de sens.
Le projet de sens, c’est avant tout savoir pourquoi on apprend, ce qui s’inscrit dans un apprentissage à long terme. Si on connait le pourquoi des devoirs, on a davantage de chances d’être motivé et de le rester pour s’instruire.
D’ailleurs, dans la pédagogie positive – héritée des concepts et pratiques de la gestion mentale -, on a identifié 4 questions de projet de sens. Est-ce que j’apprends pour le :
- Redire ?
- Refaire ?
- Savoir demain, la semaine prochaine, toujours ?
- Réutiliser une fois, plusieurs fois, tout le temps ?
Il convient donc de resituer à votre apprenti apprenant ses devoirs à la maison dans le cadre plus global des compétences qu’il va acquérir tout au long de son parcours scolaire, pour grandir et devenir autonome.
Ainsi, vous réalisez que la question « tu as fait tes devoirs ? » n’offre la possibilité ni à Léo de comprendre le pourquoi de son apprentissage, et ni à vous d’apporter du sens aux tâches qu’on lui demande.
Alors, optez plutôt pour : « qu’est-ce qu’on peut faire avec cet exercice ? » ou « Qu’est-ce qu’on veut te faire comprendre / apprendre ? » ou encore « Avec cet exercice, sur quoi on veut te faire progresser ? »
Votre enfant comme le petit Léo commence ainsi à arpenter pas-à-pas le chemin de l’autonomie en commençant à apprendre « pour lui-même ».
Organiser avec lui ses devoirs
Maintenant que vous l’avez responsabilisé, vous êtes prêt pour la deuxième étape qui est de l’aider à organiser ses devoirs.
Top Départ 🏳
Vous le savez, c’est toujours le premier pas qui coûte.
Comment le motiver pour qu’il puisse s’atteler à la tâche ? comme nous l’avons vu de notre article 6 remèdes efficaces contre la procrastination, la mise en place d’un projet SMART et les 3 minutes d’engagement sont d’excellents moyens de booster le démarrage de la machine « devoirs ».
Tout d’abord, comme le dit le célèbre Hannibal dans la série des années 80 « agence tous risques », « on aime quand un plan se déroule sans accroc ». C’est pourquoi rien ne vaut un projet d’apprentissage SMART découpé en petits objectifs atteignables et mesurables qui vont garantir une bonne motivation tout au long du projet d’apprentissage.
SMART est un acronyme pour :
Spécifique – clair, précis et compréhensible.
Mesurable – on définit une valeur à partir de laquelle on considère que l’objectif est atteint.
Ambitieux – c’est un objectif ambitieux qui l’inspire.
Réaliste – c’est un objectif certes ambitieux mais réalisable.
Temporellement défini – c’est un objectif défini dans le temps avec une durée, un début et une fin.
Ensuite, il faut qu’il se lance, dès maintenant, il ne doit pas attendre d’être prêt. Vous lui demandez de s’engager pour 3 petites minutes. En effet, une fois l’inertie initiale rompue, votre enfant va prendre un certain rythme et va réaliser que certaines notions qui lui semblaient complexes sont en fait abordables. Un vrai booster pour sa motivation à poursuivre !
En pleine course 🏎🏳🌈
Le chemin de l’apprentissage est donc avant tout le parcours vers l’indépendance. Tout au long de celui-ci, il y a le temps consacré aux devoirs et vous aurez à cœur d’établir un équilibre entre un accompagnement bienveillant et efficace, et des encouragements vers son autonomie. Tout cela dans le cadre du respect de l’enseignement fourni par éducation nationale et ses professeurs.
Dans le but d’obtenir son « permis d’autonomie », votre enfant va s’engager sur la route de la scolarité grâce à 3 modes d’encadrement possibles ; selon les matières ou les situations l’apprentissage.
La conduite accompagnée
Vous êtes là, en support, mais certainement pas pour répondre où faire à sa place à la moindre de ses hésitations.
Nos conseils ?
Bannissez les questions « pourquoi » qui attendent une justification. Préférez-leur les questions qui commencent par « comment » : permettant à votre enfant de poser son processus de pensée.
Résistez à l’envie d’apporter une réponse dès qu’il hésite. Cet accompagnement n’est pas facile mais très constructif.
Le contrôle technique
« C’est bon tu as tout ce qu’il faut ? » Tel un apprenti conducteur qui s’installe au volant de son véhicule « devoirs », vous êtes présent au début de son apprentissage ou de sa séance de devoirs pour vérifier que tout est bien en place : le plan de route avec les petits arrêts, ses outils de dépannage – les règles et exercices vus en classe – et bien sur son téléphone portable – un appel à l’aide s’il est bloqué – s’il veut vous joindre.
C’est bon, il est parti ! Vous allez vous retrouver à la fin de son parcours. À la ligne d’arrivée, vous aurez l’occasion d’évaluer son travail et discuter des choix qu’il a fait pour résoudre les exercices
Le contrat de confiance
Ce contrat est beaucoup plus pour les grands. Car l’enfant l’adolescent fait ses devoirs de manière complètement autonome. Vous aurez auparavant établi avec lui son plan d’apprentissage SMART, mais vous lui laissez une plus grande liberté quant à l’organisation et la gestion des tâches.
La ligne d’arrivée🏁
C’est une étape extrêmement importante qui va permettre d’ancrer ses connaissances dans sa mémoire sur le long terme.
C’est l’activité de synthèse – elle qui va permettre mentalement et de manière singulière la mise en œuvre de liens logiques spécifiques entre ce qu’on sait et ce que l’on vient d’apprendre.
Faire une synthèse de ce qui vient d’être appris, les bons élèves le font de manière naturelle. Ils renforcent ainsi leurs connaissances ainsi que la capacité à s’en souvenir, à se les mémoriser.
Cependant, assis au siège d’accompagnateur de son parcours scolaire, vous en aurez profité pour identifier ses forces et ses faiblesses.
Cerner son profil d’apprentissage
Identifier ses profils de mémorisation
De son analyse complète des processus mentaux, le pédagogue Antoine de la Garanderie a identifié 3 langues maternelles ou stratégies de mémorisation dans lesquelles je suis le plus à l’aise si on me :
- Montre (profil visuel)
- Dit (profil auditif)
- Fait faire (profil kinesthésique).
La question est : quel est le profil dominant de votre enfant ? Sans être un expert de la pédagogie d’Antoine de la Garanderie et des gestes mentaux, vous pouvez identifier le profil de votre enfant point.
Identifier ses intelligences multiples
Dans les années 60, un autre expert en sciences cognitives Howard Gardner a apporté la preuve que chacun de nous possède 8 intelligences et certaines d’entre elles sont plus développées que d’autres.
A la maison, il vous appartient de déterminer ses intelligences dominantes et de les utiliser pour soutenir les autres.
Rester positif, quoiqu’il arrive !
Malgré tout l’amour que vous avez pour lui, vous ne pourrez jamais faire des choses pour lui il doit y faire seul
Encouragez-le, valorisez ses efforts et même ses erreurs.
Car l’erreur est utile : elle n’est pas signe de bêtise ou de défaillance intellectuelle. Au contraire, elle est un moyen d’apprendre et absolument nécessaire – Cliquez vers l’article.
Les cours particuliers : seulement s’il est demandeur.
Si il a des tensions, prenez un joker, c’est-à-dire :
- passez la main à un autre éducateur à la maison
- faîtes une pause
- respirez
- inversez les rôles. Désormais dans le rôle du professeur, votre enfant vous pose des questions difficiles sur le cours auxquelles vous devrez répondre. C’est un excellent moyen de relâcher les tensions.
Pour récapituler
Pour accompagner votre enfant dans son véhicule “les devoirs” sur la route de l’autonomie scolaire, vous devez vous munir du plan de route suivant:
- identifier les points forts de l’apprenti conducteur
- lui assigner un mode de fonctionnement parmi les 3 suivants: conduite accompagnée, contrôle technique ou contrat de confiance ?
- une bonne carte, un bon plan de route seront absolument nécessaires
- prévoir plusieurs étapes pendant lesquelles vous ferez le point ensemble
- N’oubliez pas de fêter et d’encourager à chaque petit succès
- Gardez à l’esprit qu’il est maître de son avenir et donc de son apprentissage
Avez-vous d’autres points où astuces à rajouter à nous faire connaître qui vous ont aidé à accompagner votre enfant dans les devoirs? N’hésitez pas à nous le faire savoir dans les commentaires, à partager votre expérience!
Sources
« Les intelligences multiples » – Howard Gardner (Retz, 2008).
« Les devoirs à la maison » – Frédéric Plessiet (Hatier, 2018)
« La pedagogie positive » – Audrey Akoun et Isabelle Pailleau (Eyrolles, 2013).
Ma grande, il fallait tout réexpliquer différemment de ces cours classiques pour qu’elle puisse comprendre. Quand on voyait pour certains cours que ça ne passait pas avec nous, un étudiant passait pour lui expliquer ce qu’elle ne comprenait pas plutôt en conduite accompagnée. Maintenant, elle est à l’université et n’a aucun soucis. La plus jeune a toujours été indépendante, dès la maternelle. Elle se vexait même si on lui demandait si elle avait besoin d’aide. Elle commence à demander des explications parfois mais vraiment très peu.
Merci pour ton article 🙂
Super ! Quels beaux exemples sur la manière d’adapter au profil d’apprentissage de ses enfants lors des devoirs !
Merci Anne pour ce retour d’expérience !
Oui, rester positif quoi qu’il arrive. J’ai eu de la peine avec mes enfants sur ce sujet. Du coup, c’est devenu important pour moi.